En 1887, une compositrice pour piano, Mathilde Bardout (18??-19??), publie la partition d’un petit morceau musical intitulé Refrain Breton et édité chez Bartholt et Héraud à Paris. Ce petit livret de douze pages, dédié à mademoiselle Marguerite Martin, était vendu au prix de 5 francs. Les cinq pages de la partition ont été gravées par maître G. Chaulieu et ont été imprimées chez Edward Ancourt (18??-19??), imprimeur qui collaborait également pour le peintre-affichiste Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901).
La couverture de ce petit livret a été dessinée par le dessinateur Ernest Buval (1839-19??). L’arrière plan nous montre, au loin et dans le flou, un village bien caractérisé par une église. A l’orée de la forêt et un peu envahi par le lierre, trône l’élément principal du dessin qui est un dolmen simple, facilement reconnaissable par son support et sa table de couverte. Devant le dolmen, se trouve, pêle-mêle, une cornemuse, une bombarde et une crosse de berger. La composition est équilibrée et fait ressortir l’atmosphère bucolique de la lande bretonne telle que les parisiens se la représentaient à la fin du 19ème siècle.
La vie de l’illustrateur et lithographe Ernest Buval nous est inconnue, il est absent des ouvrages spécialisés recensant les graveurs et dessinateurs du 19ème siècle. Tout juste sait-on qu’il est né le 26 août 1839 à Paris. Il nous a pourtant laissé un grand nombre d’illustrations. L’essentiel de sa production connue se situe entre 1880 et 1910, ce qui signifie qu’il aurait débuté sa carrière tardivement à l’âge de 40 ans. Toutefois la maîtrise qu’il montre dans ses dessins laisse à penser qu’il pratiquait cette discipline depuis longtemps déjà. Ce qui est confirmé par un article du journal Le Constitutionnel qui nous apprend que Buval était élève à l’École impériale de dessin, de mathématiques, d’architecture et de sculpture d’ornements pour l’application des beaux-arts à l’industrie de Paris et qu’en 1856, il reçut le premier prix en dessin de mémoire, le deuxième prix en dessin de la figure copiée, le deuxième prix en dessin des fleurs copiées et le deuxième prix en planches de géométrie. En 1857, il obtient les premiers prix dans les catégories dessin de la figure et dessin des animaux. Dès 1861, il dessine des modèles de pendules lithographiés par l’imprimeur Joseph-Rose Lemercier (1803-1887).
Dessinateur prolifique, il illustra les pages de couverture des livrets de partition de plus de 1100 œuvres musicales ainsi que de nombreuses affiches de spectacles. Des cinq partitions connues de Bardout, trois ont été illustrées par Buval : Mazurka-Caprice (1887), Refrain Breton (1887) et Le Moulin de Brécourt (1896). On ne connaît pas la date de son décès forcément survenu après 1914 puisqu’il apparaît encore répertorié cette année-là comme dessinateur-lithographe dans l’annuaire professionnel Paris-Hachette (voir note 1).
Mathilde Bardout est la fille du peintre et compositeur Victor Bardout. Elle fut formée au piano par son père, puis suivit les cours du pianiste et compositeur Félix Le Couppey (1814-1887) au Conservatoire. Elle fut première accessit au piano du concours de fin d’année au Conservatoire national de musique et de déclamation en 1882 mais ne reçut jamais ni de premier ni même de second prix, victime, en 1883, « des intriques et passe-droits trop en usage dans notre école nationale de musique et de déclamation, où la faveur prime sur le droit et le talent, surtout dans les classes des femmes » (Strauss 1886, p. 2). Elle retourna alors parfaire sa maîtrise de la musique auprès de son père qui lui en apprendra bien plus selon elle. Malgré ce manque de reconnaissance académique, elle est considérée en 1887 comme « une des jeunes pianistes qui offrent le plus brillant ensemble de qualités parmi les nombreux élèves sortis depuis quelques années du Conservatoire de Paris » (Bordier 1887, p. 4). Elle se produit régulièrement en tant que pianiste dans de nombreux concerts à la salle Pleyel et la salle Erard, souvent en compagnie de son petit frère Gaston Bardout (1869-1954), violoniste, futur chef d’orchestre, promis à une longue carrière, connu pour avoir également été un grand collectionneur d’instruments de musique. Elle composa au moins cinq œuvres musicales pour piano dont les partitions ont été publiées en 1885 et 1887 par l’éditeur de musique parisien Louis Bartholt pour trois d’entre-eux et l’éditeur irlandais, installé à Paris, O’Kelly pour les deux autres : Menuet Louis XVI (1885), Mazurka-Caprice (1887), Refrain Breton (1887), Les Cloches de Labbeville (1888), Le Moulin de Brécourt (1896). Elle composa également une fantaisie espagnole qu’elle joua en 1888, année où elle se maria le 13 novembre avec le peintre Alexis Vollon (1865-1945) à l’église de Saint-Ferdinand des Ternes (voir note 2).
Note 1 : voir Collectif 1861 p. 515, 623 / Collectif 1862, p. 72, 112, 123, 248, 331, 483 / Collectif 1863, p. 392, 559 / Inconnu 1856, p. 2 / Tranchant 1857, p. 2.
Note 2 : voir Bordier 1887, p. 4 / D’Orly 1888, p. 2 / Heugel 1887a, p. 7 / Heugel 1887b, p. 8 / Inconnu 1888a, p. 3 / Inconnu 1888b, p. 3 / Masque de Salin 1887, p. 14 / Noël 1883, p. 608 / Strauss 1886, p. 2.
Bibliographie :
– Bardout M., 1887. – Refrain Breton, pour piano. Paris, Bathlot & Héraud, 1887.
– Bordier J., 1887. Chronique locale. In : Le Petit Courrier, 5ème année, n° 7, dimanche 20 janvier 1887, p. 4.
– Collectif 1861. Bibliographie de la France, journal de l’imprimerie et la librairie, 2ème série, tome V, année 1861, Première partie (Bibliographie : livres, compositions musicales, gravures, etc.). Paris, Cercle de l’imprimerie, de la librairie et de la papeterie, 1861, p. 515, p. 623.
– Collectif 1862. Bibliographie de la France, journal de l’imprimerie et la librairie, 2ème série, tome VI, année 1862, Première partie (Bibliographie : livres, compositions musicales, gravures, etc.). Paris, Cercle de l’imprimerie, de la librairie et de la papeterie, 1862, p. 72, p. 112, p. 123, p. 248, p. 331, p. 483.
– Collectif 1863. Bibliographie de la France, journal de l’imprimerie et la librairie, 2ème série, tome VIII, année 1863, Première partie (Bibliographie : livres, compositions musicales, gravures, etc.). Paris, Cercle de l’imprimerie, de la librairie et de la papeterie, 1863, p. 392, p. 559.
– D’Orly, 1888. Échos. In : Le Soleil, 16ème année, n° 294, samedi 20 octobre 1888, p. 2.
– Hachette F., 1914. Paris-Hachette : annuaire complet, commercial, administratif et mondain. Paris, Hachette, 1914, p. 57.
– Heugel H., 1887a. Nouvelles diverses : concerts et soirées. In : Le Ménestrel, 53ème année, n° 12, dimanche 20 février 1887, p. 7.
– Heugel H., 1887b. Nouvelles diverses : concerts et soirées. In : Le Ménestrel, 53ème année, n° 20, dimanche 17 avril 1887, p. 8.
– Inconnu, 1856. École impériale de dessin. In : Le Conventionnel, année 41, n° 243, lundi 1er septembre 1856, p. 2.
– Inconnu, 1888a. – Informations. In : Moniteur des Arts, 31ème année, n° 1801, vendredi 26 octobre 1888, p. 3.
– Inconnu, 1888b. Aux environs de Paris. In : Le Constitutionnel, 14ème année, n° 272, mercredi 7 novembre 1888, p. 3.
– Masque de Salin, 1887. – Petits Échos. In : La Vie Moderne, 9ème année, n° 11, samedi 12 mars 1887, p. 14.
– Noël E., 1883. Conservatoire national de musique et de déclamation. In : Les Annales du Théâtre et de la Musique, 8ème année (1882), p. 608.
– Strauss F., 1886. Musique. In : L’Impartial, 6ème année, 6ème série, n° 1435, jeudi 18 février 1886, p. 2.
– Tranchant A., 1857. Faits divers. In : La Patrie, 17ème année, n° 243, lundi 31 août 1857, p. 2.
Nicolas Charmet pour « Les Vaisseaux de Pierres »
Pour citer cet article : Charmet N., 2023. Refrain Breton pour piano de Mathilde Bardout… une partition illustrée par Ernest Buval en 1887. In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 17 janvier 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …