Identités : de la présence de monuments mégalithiques dans les armoiries municipales en France

image_pdfimage_print

Si la généalogie rencontre de plus en plus d’adeptes, l’héraldique, qui est aussi une science auxiliaire de l’histoire, semble encore rebuter les Français, alors que les autres pays de toute l’Europe – sauf peut-être l’Italie – la pratiquent très couramment. Chez nous, la confusion courante entre noblesse et armoiries rejette les personnes, issues de l’ancien tiers état, dans le refus, parfois hostile, de la connaissance du blason.

L’héraldique municipale, cependant, échappe à cet ostracisme ; les plus petites bourgades retrouvent leurs anciens symboles ou s’en créent pour en orner leurs rues, leurs monuments et leur société.

D’abord créées pour répondre aux besoins de distin­guer les combattants sur les champs de bataille du ­Moyen-­Âge, les armoiries furent rapidement adoptées par les villes comme symbole de leur personnalité juridique, de leur indépendance et de leur prestige.

Selon Michel Pastoureau1, la plus ancienne armoirie urbaine connue est celle de la ville anglaise de Hereford, vers 1190. D’autres villes d’Angleterre, d’Allemagne et des Pays-Bas se dotent d’armoiries dans les premières décennies du 13ème siècle. Bientôt, toutes les grandes villes d’Europe occidentale adoptent progressivement des armoiries. En France, c’est durant le règne de Philippe le Bel (1285-1314) que l’on voit se développer à grande échelle une héraldique municipale.

Le phénomène qui nous préoccupe ici, est bien plus récent et reste marginal même s’il n’est pas anecdotique. Seules 52 communes (sur les 36000 que compte la France) arbore un monument mégalithique (ou équivalent) sur leur blason. Tous ont été créés au 20ème siècle, et certains datent de moins de 10 ans. Cette mode semble être le fait de démarches individuelles ou le fruit d’intervention de passionnés d’héraldique qui ont offert (ou vendu) leurs services à certaines municipalités.

Pour ces armoiries communales “modernes”, si l’on s’est efforcé de respecter autant que possible les règles héraldiques, les résultats ressemblent davantage à des logos, à des logotypes, expressions “publicitaires” des municipalités. Cela dit, les armoiries sont souvent d’une conception intéressante, d’une certaine beauté artistique et animées de ressorts identitaires et d’une pensée plus profonde.

Les armoiries témoignent du passé d’une communauté et des éléments caractéristiques de son paysage, de ses activités agricoles ou industrielles auxquels les habitants s’associent. L’inclusion d’un élément (pré)historique témoigne d’une conscience historique. Les habitants de ces communautés se sentent liés au passé et à leur patrimoine.

Une analyse statistique plus aboutie reste à construire, voici, en l’état de nos connaissances et par ordre alphabétique, les communes françaises, arborant un blason “mégalithique”.

AVON (Deux-Sèvres, Nouvelle-Aquitaine)

Création du blason avant 2011 (à préciser)


BERNEUIL (Haute-Vienne, Nouvelle-Aquitaine)


BORDEZAC (Gard, Occitanie)

Le blason montre le dolmen du Mas Sauvezon.


BOUGON (Deux-Sèvres, Nouvelle-Aquitaine)

Création du blason avant 2011 (à préciser)? Il met en avant la nécropole tumulaire conservée sur la commune, ensemble mégalithique valorisé par un musée de préhistoire dédié, haut lieu du tourisme dans le département des Deux-Sèvres.


CARNAC (Morbihan, Bretagne)

La devise de la commune est : Trema er mor, dré er vein, edan en heol / Vers la mer, à travers les pierres, sous le soleil. C’est cette devise qui est illustrée dans ce blason créé par Loïc Ermoy en 1973, sous la mandature de Christian Bonnet2.


CAUDEBEC-lès-ELBEUF (Seine-Maritime, Normandie)

Le dolmen présent sur le blason semble plus renvoyer à un imaginaire celtomane qu’à un monument réel… Aucun dolmen, à notre connaissance, n’existe sur le territoire de la commune.


COMMEQUIERS (Vendée, Pays de la Loire)

Le blason met en avant l’impressionnant dolmen, dit des Pierres-Folles, situé sur le territoire de la commune.


COURNON (Morbihan, Bretagne)

Ce blason a été créé par Jean-Pierre Fernandez3 et évoque le dolmen dit Des Tablettes, sur le territoire de la commune.


COUSSERGUES (aujourd’hui Palmas-d’Aveyron, Occitanie)

Les armoiries sont celles de la famille Clausel de Coussergues, anciens seigneurs du village, et dans la base un dolmen, monument du village.


CROSSAC (Loire-Atlantique, Pays de la Loire)

Blason conçu par Olivier Cruau et le Conseil municipal (délibération municipale en 1990), enregistré en 1990.

Commentaires : L’hermine évoque le blasonnement d’hermine plain de la Bretagne, rappelant l’appartenance passée de la ville au duché de Bretagne ; la crosse évoque le prieuré d’Er à l’origine de la paroisse ; le dolmen représente le dolmen de La Barbière ; l’échiqueté d’or et d’azur reprend les armes de la vicomté de Donges.


DISTRE (Maine-et-Loire, Pays de la Loire)

Le gueules et l’azur sont les couleurs de Distré et de l’Anjou, l’écartelé représente les quatre hameaux qui constituent la commune. Le dolmen évoque l’occupation ancienne du territoire, les épis de blé et la grappe de raisin renvoient quant à eux à la vocation agricole de Distré. La fleur de lis rappelle la seigneurie de Pocé. Au centre, la lettre D est l’initiale du nom de la commune.


DRACHE (Indre-et-Loire, Centre-Val-de-Loire)

Le blason montre la Pierre Percée, impressionnant menhir de 4 m de haut auquel se rattachent de nombreuses croyances et légendes.


EPIEDS-en-BEAUCE (Loiret, Centre-Val de Loire)

Le blason montre le dolmen de Coulmiers (ou dolmen des Pierres Fenats) situé près du hameau de Cheminiers.


FRESNICOURT-le-DOLMEN (Pas-de-Calais, Hauts de France)

Fresnicourt-le-Dolmen, un des rares communes françaises à évoquer un monument mégalithique dans son nom, associe sur son blason, outre deux de ses monuments du lieu et deux armes familiale.

Le dolmen dit Cheul Tabe à Fèes ou Table des Fées en langue chti s’est ajouté au nom de la commune en 1925. La croix de pierre est celle du hameau d’Olhain.

Concernant les armes familiale, il s’agit pour les trois tourteaux de gueules, des armes de la famille d’Ollehain, originaire du hameau d’Olhain. Le lion est celui de la famille De Bergues (ou De Bergues), dont les armes “se trouvaient sur les bannières déployées au sommet des poivrières du château au 16ème siècle“, explique-t-on à la mairie.

En ornements extérieurs de ce blason, outre la couronne murale, la commune ajoute deux branches de frêne, qui rappellent son nom.


GEZ-ARGELES   (Hautes-Pyrénées, Occitanie)

Le Blason de Gez-Argeles, signale des pierres dressées mal caractérisées, mais de toute évidence dressées de main d’homme… Menhirs néolithiques authentique, ou bornes ?


GREALOU (Lot, Occitanie)

Blason créé en 2014 par Bernard Velay. Le blason fait référence au dolmen du Pech-Laglaire.

La Dépèche, du 22 mars 2014 : “Après le dévoilement de la plaque d’inscription du dolmen de Pech Laglaire au patrimoine mondial et les journées européennes du patrimoine de mi-septembre, le maire Christian Agrech a travaillé à la création d’un blason pour la commune et d’un tampon pour les crédenciales des marcheurs du chemin de Saint Jacques, inexistants sur Gréalou. Le blason, récemment adopté par le conseil municipal, est une création de Bernard Velay, membre de la Société Française d’Héraldique et de Sigillographie. Il fait référence aux activités agricoles du village, le chêne, arbre du Quercy, garni de glands et arraché avec les racines apparentes. Les coquilles rappellent que Gréalou est sur le chemin de St Jacques de Compostelle. Le loup est en rapport avec le nom du lieu et le célèbre dolmen de Pech Laglaire classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1998“.


GUITRANCOURT (Yvelines, Ile-de-France)

Le blason montre La Pierre Drette, appelée aussi Pierre-Droite, un menhir situé dans la vallée aux Cailloux, au sud du village.


HENANBIHEN (Côtes-d’Armor, Bretagne)

Le blason évoque les nombreux monuments mégalithiques de la commune, encore visibles ou détruits, dont celui déplacé à Boezinge en Belgique en 1929 pour honorer les poilus bretons victimes de la première attaque aux gaz en avril 1915.


IFFENDIC (Ille-et-Vilaine, Bretagne)


JANVILLE-sur-JUINE (Essonne, Île-de-France)

Début 2023, les élus de Janville-sur-Juine souhaite ré-actualiser le “blason” de la commune. Un choix participatif, via l’application “IntraMuros”, a été proposé aux citoyens en deux versions possibles.

Ce blason illustre les monuments historiques de Janville-sur-Juine : le dolmen de La Pierre-Levée, l’église Notre-Dame-de-la-Nativité, le château de Villevoisin, la Tour de Pocancy et la Juine. Une représentation illustrée des bâtiments de la mairie couronne celui-ci. A droite, version non retenue par les habitants de la commune.


LA BRESSE (Vosges, Grand-Est)

Le pairle symbolise la forme des vallées et sa couleur rouge rappelle les sacrifices de la population lors des guerres. Le champ blanc rappelle la neige, le banc de pierre du Champtel servait à rendre la justice avant la Révolution française, l’élevage artificiel de la truite est né au village et la commune produit sa propre électricité. Mégalithe néolithique ou pas, l’enquête ne fait que commencer.


LA CHAPELLE-NEUVE (Morbihan, Bretagne)


LABEAUME (Ardèche, Auvergne-Rhône-Alpes)


LACROUZETTE (Tarn, Occitanie)


LANGON (Ille-et-Vilaine, Bretagne)

La commune de Langon conserve de très nombreux monuments mégalithiques (champs de menhirs, alignements et nécropoles tumulaires). Le blason évoque quant à lui, le monument aux morts de Port-de-Roche. Composé de gros blocs de quartz blancs (ou beulions en langue gallaise) alignés comme le V de la victoire et d’une Croix de Lorraine, il honore la mémoire de neuf résistants (FTP et FFI), qui assuraient la garde du pont sur la Vilaine et furent fusillés par les Allemands le 6 août 1944 ; Armand JOLIVEL, Jean-Baptiste LEBRETON, Auguste GUERIN, Jules LEFRECHE, Gabriel NEVOU, Célestine POULAIN, Jean LEPERE (fusillé ultérieurement à Angers et Pierre PORCHER (mort en déportation) et Jean-Baptiste RIMBAUD. Aux neuf noms initiaux, s’ajoute celui de Pierre BAUDU (1900-1949), déporté à Bergen-Belsen. Ce monument, inauguré le 1er août 1948, a été construit à partir du démantèlement d’un ouvrage de stèles néolithiques qui encadrait un passage à gué important sur la Vilaine, secteur où fut construit le port fluvial puis le pont.


LE LIEGE (Indre-et-Loire, Centre-Val-de-Loire)


LENTILLAC-du-CAUSSE (Lot, Occitanie)


LES FOUGERETS (Morbihan, Bretagne)


LES VENTES (Eure, Normandie)

La devise de la commune est : Agere radicem. Les trèfles proviennent directement des armes de la famille de Quincarnon (d’argent à 3 trèfles de sinople). Deux dolmens, La Pierre Courcoulée et celui dit de L’Hôtel-Dieu, se trouvent sur la territoire de la commune des Ventes, dont l’origine est un lieu où se tenaient les “ventes” de coupes de bois. Toutefois l’arbre ici présenté est le chêne remarquable dit Des Sept Frères, cépée de sept troncs.


LOCMARIAQUER (Morbihan, Bretagne)

La devise de Locmariaquer est : Kaër é mem bro / Le pays de Kaër est mon pays (Locmariaquer est dans l’ancienne baronnie de Kaër)

Le blason de la commune a été créé par Jean-Baptiste Corlobé dans les années 19304.


MAILHAC-sur-BENAIZES (Haute-Vienne, Limousin)


MARCILLY-le-HAYER (Aube, Grand-Est)

Le blason de la commune a été créé en 1957.


MASSAC (Aude, Occitanie)


MILLY-sur-BRADON (Meuse, Grand-Est)

Blason créé par D. Lacorde et adopté en Conseil municipal en novembre 2014.


MONTERREIN (Morbihan, Bretagne)

Le blason montre le menhir du Piprais. Le 1er janvier 2019, Monterrein a fusionné avec la commune de Ploermel.


MONTGUYON (Charente-Maritime, Nouvelle Aquitaine)


MONTJAUX (Aveyron, Occitanie)

Le blason de la commune a été créé par Jean-François Binon et adopté le 8 août 2006 (décision du Conseil municipal). Montjaux conserve de nombreux sites préhistoriques dont des dolmens et des tumulus.


PIONNAT (Creuse, Nouvelle-Aquitaine)

Jean-François Binon, créateur de blasons pour de nombreuses communes, à proposé ses services à la commune de Pionnat, qui a travaillé sur ses propositions pour finalement proposer au vote deux solutions. C’est la première à gauche qui a été retenue par les habitants de la commune.

La croix pattée haute rappelle la Croix des Célestins associée à l”abbaye des Ternes, élément important du patrimoine de la ville, de même que le dolmen de Ménardeix, un des attraits touristiques de la commune. La truelle rappelle le destin hors norme d’un figure locale : Michel Villedo et avec lui des maçons de la Creuse. L’olivier veut ancrer la commune dans la modernité, symbole des changements et mutations des communes creusoises.


PLOUHINEC (Morbihan, Bretagne)

Ce blason a été créé par Loïc Ermoy (avant 2012).


PLUHERLIN (Morbihan, Bretagne)


PUSSIGNY (Indre-et-Loire, Centre-Val de Loire)

Le blason a été créé par Jean-François Binon et adopté en Conseil municipal le 30 janvier 2019.


ROUSSAYROLES (Tarn, Occitanie)

Le blason a été créé par le Groupe roussayrollais M.A.G.R.E.T. et adopté en Conseil municipal le 11 février 2011.


SAINT-ANTOINE-du-ROCHER (Indre-et-Loire, Centre-Val de Loire)

Ce blason apparait sur les véhicules des agents communaux. Il a été créé en 2010 par Melissa Thierry, Gabrielle Cohen et Aurélie Ménard et sert a représenter le village de Saint-Antoine-du-Rocher avec son dolmen de la Grotte-aux-Fées. Il a été dessiné par les élèves de l’école à l’occasion d’un concours de dessin.


SAINT-BRICE (Charente, Nouvelle Aquitaine)


SAINT-GERMAIN-près-HERMENT (Puy-de-Dôme, Auvergne-Rhône-Alpes)

Le blason fait écho au Dolmen de Farges, classé au titre des monuments historiques en 1889.


SAINT-HILAIRE-la-GRAVELLE (Loir-et-Cher, Centre-Val de Loire)

Le blason a été créé par R.-G. Bouvet et adopté en Conseil municipal en 1990. Il évoque le Dolmen de la Couture, classé au titre des monuments historiques en 1965.


SAINT-MACAIRE-en-MAUGES (Maine-et-Loire, Pays-de-la-Loire)

Ce blason a été créé par Pierre Coiscault en 1984. Il est considéré par les héraldistes comme fautif. Saint-Macaire-en-Mauges est devenue le 15 décembre 2015 une commune déléguée au sein de la commune nouvelle de Sèvremoine. Le blason renvoie bien évidemment à la grande stèle néolithique gravée de La Bretellière, dit La Pierre Levée.


SAINT-PIERRE-de-la-FAGE (Hérault, Occitanie)

Le blason évoque le vaste ensemble mégalithique qui existe sur la commune étudié par GastonBernard Arnal5.


SAINT-PRIEST-la-PLAINE (Creuse, Nouvelle-Aquitaine)

Le blason a été créé en 2015 par Jean-François Binon.


SAINT-SALVY-de-la-BALME (Tarn, Occitanie)


SAINT-SAMSON-sur-RANCE (Côtes-d’Armor, Bretagne)

Le blason rappelle évidemment la grande stèle néolithique gravée de La Tremblais. Wikipédia indique que ce blason n’a, pour l’heure, aucun statut officiel. On le trouve pourtant sur le bulletin municipal (dans la version de droite).


SAINT-SULPICE-des-FEUILLES (Haute-Vienne, Nouvelle-Aquitaine)

Projet de blason (remis le 8 août 1941) conservé dans les archives de la Société archéologique et historique du Limousin.


VAUREAL (Val-d’Oise, Ile-de-France)

Le blason fut conçu vers 1943, à partir de celui de la famille des Conti, propriétaires du château entre 1731 et 1786. Sa création fut lancée sous l’impulsion de la préfecture, qui proposa aux communes de Seine et Oise qui n’en avaient pas de se munir d’un emblème.


Cyrille Chaigneau pour Les Vaisseaux de Pierres

Notes

  1. Pastoureau M., 2010. « L’héraldique urbaine », dans : Béchu C. (sous la dir. de), 2010. Couleurs et symbolique. Armoiries des villes, sous le Premier Empire et la Restauration, Paris, Archives nationales/Somogy, 2010, p. 29-35. ↩︎
  2. Bulletin municipal : Le Magazine de Carnac, 2006 ↩︎
  3. Froger M., . Armoiries des villes de Bretagne ↩︎
  4. Froger M., . Armoiries des villes de Bretagne ↩︎
  5. Arnal G.-B., 1979. L’ensemble mégalithique de Saint-Pierre-de-la-Fage. Lodève, Centre de recherche archéologique du Haut-Languedoc, 1979. 105 p. (coll. : « Les Mégalithes du Lodévois, Hérault », no 2) ↩︎

Pour citer cet article : Chaigneau C., 2023. “Identités : de la présence de monuments mégalithiques dans les armoiries municipales en France”. In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 3 décembre 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …

Cet article a 2 commentaires

  1. Anne

    Quel bel inventaire !

Laisser un commentaire