Les Gaulois au cinéma

  • Dernière modification de la publication :21 mai 2024
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Pourquoi les Gaulois sont-ils si rares au Cinéma ? S’ils inondent l’imaginaire collectif de la 3ème République, les Gaulois restent mal connus par l’archéologie, les traces laissées dans le paysages sont pour ainsi dire inexistantes ou indéchiffrables pour l’époque… Pour autant, les productions françaises dans années 1900-1910 vont s’inspirer de cet imaginaire collectif, né du Romantisme philoceltique, voire celtomane, de la première moitié du 19ème siècle (Norma de Bellini, Les Martyrs de Châteaubriant) puis largement diffusé par la lithographie et les feuilletons et romans populaires à partir de 1845, pour proposer des scènettes horrifiques mettant en images des druides sacrificateurs. Tous ces films sont aujourd’hui perdus et ne sont connus que par une photo de plateau, une affiche ou un décor peint. De cette production se démarque le Vercingétorix de Candido de Faria pour les studio Pathé en 1909, film présentant une véritable ambition historique.

De fait, le cinéma français n’est pas spécialiste des films d’action. Il faudra attendre les péplum (ces films historiques à grand spectacle situé dans l’antiquité, alternative européenne au western), très à la mode dans les années 1960, pour voir des Gaulois figurer en bonnes places dans quelques productions de séries B, principalement tournées en Italie, dans les studios Cinecittà, puis dans toute l’Europe méridionale, Grèce et Yougoslavie comprises (par exemple, La Schiava di Roma de Sergio Grieco et Franco Prosperi en 1960). Ils ont souvent plusieurs titres, leurs réalisateurs italiens sont affublés de pseudonymes à consonance américaine. Une constante de ces petits films d’action des sixties : une recherche historique a minima voire inexistante (Gaulois affublés de tenue de Huns ou de Tartares, héros des précédents tournages), et une structure du récit proche du western, où les tribus gauloises sont assimilées aux Indiens (il y a pas plus de sympathie que pour les Peaux-Rouges de la part des scénaristes).

Outre la série de dessins animés des aventures d’Astérix le Gaulois, il faudra ensuite attendre les années 70-80 pour voir, en France, quelques panouilles érotico-parodiques indéfendables (Les Gauloises Bleues, de Michel Cournot, sortie en 1968), s’appuyant sur le succès mondial de la bande dessinée de Goscinny et Uderzo, jusqu’au nanard absolu de Jacques Dorffman en 2001 : Vercingétorix, la légende du druide roi, avec Christophe Lambert dans le rôle-titre !!!

A côté, il faut absolument mentionner Deux Romains en Gaule, la première adaptation à la télévision française des aventures d’Astérix par une certain Pierre Tchernia, monsieur cinéma lui-même et avec un casting 5 étoiles… Et la première apparition de nos deux héros nationaux… sous forme de dessins animés… la recette fera florès.

Petit inventaire donc !


1906 : Les Druides de Alice Guy

Ce court métrage de 96 mètres, réalisé par Alice Guy en 1906, n° 1350 du catalogne Gaumont est aujourd’hui perdu.


1908 : Les Druides : un sacrifice humain (500 ans avant J.-C.), / La civilisation à travers les âges de Georges Méliès

À la mort de Georges Méliès (1861-1938), la plupart de ses films avaient disparu, lui-même ayant brûlé son stock de Montreuil. Sur les 600 films qu’il réalisa en 17 ans d’activité (de 1896 à 1913), moins de 200 ont été retrouvés et restaurés… travail entamé dès la mort du cinéaste-magicien par Henri Langlois, créateur de la Cinémathèque française.

Seules de rares photographies de plateaux gardent le témoignage du film de Georges Méliès qui, acteur, apparaît ici en druide sacrificateur. Le décor peint de fond est aussi l’œuvre de Georges Méliès.

La civilisation à travers les âges, sorti aux États-Unis sous le titre Humanity Through Ages est un film dramatique historique réalisé par Georges Méliès début 1908. Le catalogue de la Star Film Company, la société de Méliès le signale comme sa première production de 1908 (n° 1050-1065). Aux États-Unis, le film a été enregistré pour le droit d’auteur américain à la Bibliothèque du Congrès le 7 février 1908. Le film est aujourd’hui présumé perdu.

Le film est un récit en onze tableaux retraçant la brutalité de l’humanité du premier crime de Caïn sur Abel jusqu’à la Convention de La Haye de 1907, en passant par les (fantasmatiques !) sacrifices humains pratiqués par les druides, Néron et Locusta essayant leurs poisons sur les esclaves, la persécution des chrétiens dans l’Empire romain, les piloris du Moyen-Âge, le gibet de Montfaucon, les chambres de torture de l’Inquisition, les bandits de grands chemins sous Louis XIII, ou, actualités de l’époque oblige, une bataille entre « Apaches » dans les rues de Paris.

L’épisode de La Haye se termine dans le chaos, les délégués, réunis pour limiter le pouvoir des armées, s’attaquant les uns les autres. Très pessimiste, le film se termine par une onzième et dernière scène intitulée « Triomphe » où un Ange de la Destruction plane au-dessus d’un champ de bataille couvert de soldats morts et blessés… Prémonitoire, nous sommes en 1908 ! Historien fantaisiste.

Le deuxième tableau qui nous intéresse ici, d’une longueur de 320 mètres, s’intitule : Les Druides : un sacrifice humain. 500 ans avant Jésus-Christ. Après avoir cueilli le gui sacré, les druides invoquent la protection divine en immolant, sur la table d’un dolmen, une victime sous les chênes séculaires de Bretagne.

On ne connaît ce film que par quelques photos de plateau servant à la promotion… dont celle-ci. Devant des toiles peintes, des officiants à la barbe vénérable et vestales au charme certain s’apprêtant à retirer la vie à un malheureux à demi-nu, étendu sur une pierre sacrificielle, un dolmen. Cette scène fait suite à un prologue plus joyaux montrant la cueillette du gui. Méliès, acteur, y apparait en druide sacrificateur (on le retrouvera plus loin en juge de l’Inquisition espagnole). Méliès, producteur et réalisateur ne fait que reprendre ici une image archétypale des Gaulois, véhiculée depuis le début 19ème siècle et largement reprise dans les manuels scolaires de la IIIe République.

Il est probable que, comme souvent chez Méliès, l’intégralité des acteurs concernés aient été figurants à l’Opéra-Comique ou aux Folies-Bergère, intermittents d’alors, arrondissant leurs maigres cachets par une virée diurne aux studios de Montreuil

En historien fantaisiste, Méliès s’offre, avec ce film qui contraste brutalement avec le reste de son œuvre, un commentaire désabusé sur les « bienfaits » de la civilisation. Les historiens du cinéma Paul Hammond et John Frazer ont noté que le ton très sérieux du film, très inhabituel pour Méliès, s’inscrit dans un contexte d’intense pression commerciale de la part de ses concurrents, et vient en réponse à des films historiques à gros succès tels que Les Derniers Jours de Pompéi, sorti peu de temps avant.

Selon Jay Leyda, autre historienne du cinéma, le film fit sensation lors de sa sortie en Russie et le fils de Méliès, André, rapportait que La civilisation à travers les âges était sans doute le film dont son père était le plus fier !


1909 : Vercingétorix de Candido de Faria

Vercingétorix se fiance avec la fille d’un chef gaulois, mais un rival jaloux le provoque en duel. Vercingétorix le désarme et le laisse en vie. Le traître ouvre les portes d’Alésia aux armées de César et le chef arverne fini étranglé dans sa prison romaine sous les yeux de sa fiancée.

Le film met la défaite d’Alésia sur le compte d’une trahison qui, si elle est pure invention, peut être considérée comme une ellipse pour signaliser la division des Gaulois rapportée par César. La violence du film, notamment la scène finale de l’étranglement, choqua les spectateurs, notamment outre Atlantique, où le film fut exporté. Le destin du chef gaulois est donc prétexte à un film coup de poing.

Fiche technique

Titre alternatif : Vercingetorix, Gaul’s hero (Etats-Unis)
Pays: France
Métrage : 220 mètres
Société de production : Studios Pathé, nº 2626


1912 : Au temps des druides

Voici un des seuls témoignages connus d’un film produit par Pathé-Frères en 1912 : Au temps des druides, film n° 4883 du catalogue Pathé, aujourd’hui disparu !

« Au temps des Druides » (1912). Photographie originale du tournage (13 x 18 cm), tirage argentique d’époque sur papier. Vente en enchères publiques : Paris / Rémy Le Fur & Associés / Regard sur le cinéma muet en France : photographies, 1900-1929 – Collection Philippe Legendre / Vendredi 12 novembre 2021 / Lot n° 44 / Estimation : 6500 €

Si  le film est aujourd’hui perdu, on en connait le scénario. La Gaule vient d’être envahi. Les druides appellent la colère de leurs dieux sur les Romains. Irrités, les vainqueurs veulent empêcher la cérémonie de la cueillette du gui mais le centurion Vinicius les y autorise. Il vient de tombé amoureux de Dia, la fille du chef des druides. L’idylle est bientôt découverte par des compagnes qui vont au camp répandre le bruit du déshonneur de la jeune prêtresse. Arrêtée par les Gaulois après un sanglant combat où Vinicius est blessé, Dia comparaît devant le conseil des druides. Accusée de trahison et malgré l’intervention de son père, la jeune fille est promise à une mort certaine quand Vinicius apparaît et parvient de justesse à arracher Dia et son père à leur funeste sort.

Quel regret que ce film ait aujourd’hui disparu, comme ont aujourd’hui disparu les dolmens de Keravel à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), où cette scène a été tournée. Pourtant choyés des antiquaires, des artistes et des cartophiles, ils furent détruits par leur propriétaire pendant le Seconde Guerre Mondiale.

Fiche technique :

Titre alternatif : Au temps des Gaules
Genre : Scène dramatique
Pays : France
Métrage : 200 mètres de film dont 176 en couleur
Sortie : Omnia Pathé, Paris, du 14 au 20 juin 1912
Société de production : Pathé frères, nº 4883
Édition : Pathé frères
Annoncé dans Ciné-Journal n°198, 8.6.1912
Sujet dans le Bulletin Pathé n°18
Distribution : Charles Jules Castillan (Vinicius), Louis Ravet, Berthe Bovy, Jean Jacquinet, Armand Hauterive, Jacques Normand, etc.


1961 : La Schiava di Roma de Sergio Grieco et Franco Prosperi

Le film raconte les efforts d’un centurion romain pour venir à bout d’un chef gaulois.

La Guerre des Gaules fait rage. Certains Gaulois, tel le chef Marcos, désirent signer un traité de paix avec Rome, mais d’autres, tel Lycircos, prônent la lutte sans merci et n’hésite pas à le tuer. Les Romains conduits par le tribun Marcus Valere et le centurion Claudio sont charges de le punir. Pendant un combat ils font prisonnière Antea, la fille de Marcos. Marcus, aidé par Antéa qui s’est éprise de lui, parvient à écraser les hordes du Gaulois

Vision puérile de la Guerre des Gaules utilisée ici comme un cadre assez lointain…. Le portrait des Gaulois n’est pas très reluisant. Cette production est en fait un western à la sauce antique, les barbares des Gaules remplaçant ici les méchants Indiens. Mais le manichéisme est le même… La civilisation contre la barbarie.

Fiche technique :

Titre alternatif : L’Esclave de Rome (français) / Slave of Rome (États-Unis) / Slave warriors (États-Unis)
Pays : Italie
Durée : 1h38
Genre : péplum
Distribution : Rossana Podesta, Guy Madison, Mario Petri
Société de production : Atlantica Cinematografica Produzione Films


1967 : Deux Romains en Gaule de Pierre Tchernia

Nous sommes du temps de l’ORTF. En 1967, le réalisateur Pierre Tchernia décide d’adapter pour la première fois à la télévision française l’univers d’Astérix et Obélix. Le titre : Deux Romains en Gaule.

Une histoire inédite de deux légionnaires, Prospectus et Ticketbus, joués par un célèbre duo comique, Roger Pierre et Jean-Marc Thibault ! Et à leurs côtés, un casting 5 étoiles : autour du duo comique Roger Pierre et Jean-Marc Thibaut, Pierre Mondy, Jean Bellanger, Moustache, Pierre Tornade, Jean-Yanne… Il y a même Lino Ventura qui fait de la figuration. René Goscinny et Albert Uderzo ont également un petit rôle !

Particularité de ce téléfilm : Astérix et Obélix sont bien présents mais sous forme… animée ! C’est la première fois qu’ils apparaissent de cette manière.

Cyrille Chaigneau pour Les Vaisseaux de Pierres

Bibliographie :

– Bousquet H., 1994-2004. Catalogue Pathé des années 1896 à 1914. Bures-sur-Yvette, Editions Henri Bousquet, 1994-2004… / Fondation Jérôme Seydoux Pathé.
– Dumont H., 2009. L’antiquité au cinéma.- Nouveau monde édition / Cinémathèque suisse, 2009.
– Ferenczi A., 2011. « Le goût du navet », dans : Les Gaulois une passion magique. Télérama hors série, n° 174, octobre 2011.- p. 76-81, 1 photo. n.b., 6 photos. coul.

Webographie

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/asterix-obelix-tchernia-cinema-dessin-film

Pour citer cet article : Chaigneau C., 2023. Les Gaulois au cinéma. In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 11 mars 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …

Cet article a 2 commentaires

  1. Anne

    C’est vraiment dommage, à en juger par cette vue, ce film devait être un grand moment d’histoire !

  2. Les vaisseaux de pierres

    Ce qui est intéressant, c’est que les monuments mégalithiques font alors partie de l’imaginaire collectif en France, et le cinéma naissant va surfer sur ces images iconiques de la culture populaire. Les spectateur ne sont pas surpris. Ils découvrent en mouvement ce que les lithographies, la presse illustrée, les chromos publicitaire montrent déjà depuis déjà 70 ans.

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