Maurice Sand, de son vrai nom Jean-François-Maurice-Arnault Dudevant, est né le 30 juin 1823 à Paris. Il est le fils du baron Casimir Dudevant et de la célèbre femme de lettres George Sand. En 1829, il a comme précepteur Jules Boucoiran (1808-1875) qui lui apprend à lire, écrire, la musique et la géographie. Il entre en 1834 au lycée Henri IV. Ses centres d’intérêts sont assez divers. Si les sciences en général l’attirent, en particulier la géologie, la préhistoire et l’entomologie, il s’intéresse aussi au dessin et à la peinture et se passionne pour le théâtre de marionnettes. Il en possèdera un dans le 16ème arrondissement de Paris.
En 1839, il intègre l’atelier du peintre suisse Barthélemy Menn (1815-1893), puis, en février 1840, celui du peintre français Eugène Delacroix (1798-1863). Durant cette période, il s’adonne à la caricature croquant des amis de sa mère tels, entre autres, les compositeurs Franz Liszt et Frédéric Chopin. Dans les années 1850, il illustre régulièrement les œuvres de sa mère publiées par Hetzel.
Georges Sand publie en 1858 chez A. Morel, les Légendes rustiques en 1858, un recueil de légendes et de croyances populaires du Berry. Ce livre s’inscrit dans un intérêt de longue date de l’écrivaine pour la culture populaire de sa région natale. Elle avait déjà consacré un article à un sujet proche en 1851, Les Visions de la nuit dans les campagnes.
Les douze chapitres sont, chacun, illustrés d’une gravure tirée d’un dessin de Maurice, dont la facture n’a rien à envier aux meilleures productions de Yann’ Dargent ou Gustave Doré ! Plusieurs évoquent les traditions populaires liées aux monuments mégalithiques et autres affleurement naturels du Berry. D’autres ne s’y rapportent pas directement mais Maurice Sand agrémente son dessin, ici d’un dolmen, là d’un affleurement remarquable, insistant sur l’omniprésence des grosses pierres dans l’imaginaire des paysans berrichons.
Les Pierre-Sottes ou Pierres-Caillasses décrit un ensemble de croyances liées à des pierres capables d’apparaître et de disparaître en des lieux variés, soit d’elles-mêmes, soit déplacées par des êtres surnaturels, des fées appelées fades ou martes, ou d’autres noms encore. Maurice les montre comme de grosses têtes intrigantes forgées dans leur état lithique brut et primitif.
Les Trois Hommes de pierre rapporte des légendes de la Creuse et des environs : des histoires de géants concernant Gargantua, mais antérieures aux livres de Rabelais, et d’autres histoires de géants associées à de grandes pierres.
Le Follet d’Ep-Nell évoque la croyance en un démon ou être diabolique appelé le Georgeon dans le lieu dit la vallée Noire, dans le Berry. Invoqué par les sorciers, Georgeon, comme le Diable, passe parfois des marchés avec des paysans, chacune des parties essayant de duper l’autre.
Le Meneu’ de loups évoque des croyances du pays de Brenne mettant en scène des sorciers capables d’apprivoiser et de conduire les bandes de loups ainsi que des variantes sur la notion de garou.
Il n’est pas inintéressant de noter que l’on connait une aquarelle de la main même de Georges Sand, réalisée à la fin de sa vie, représentant un paysage hérissé de rochers, légèrement transformé par la fantaisie de l’aquarelliste, à savoir, Les Pierres Jomâtres, un chaos rocheux remarquable du département de la Creuse, aux environs de Boussac. L’autrice les avait décrites en 1844 dans son roman Jeanne, les associant à l’imaginaire romantique et celtomaniaque de l’époque : « Dans les montagnes de la Creuse, en tirant vers le Bourbonnais et le pays de Combraille, […] une colline haute et nue, couronnée de quelques roches […] disposées dans un certain ordre mystérieux, et assises, par masses énormes, sur de moindres pierres où elles se tiennent depuis une trentaine de siècles dans un équilibre inaltérable. Ces blocs posés comme des champignons gigantesques sur leur étroite base, ce sont les menhirs, les dolmens, les cromlechs des anciens Gaulois […] De longues herbes ont recouvert la trace des antiques bûchers, les jolies fleurs sauvages des terrains de bruyères enveloppent le socle des funestes autels et, à peu de distance, une petite fontaine froide comme la glace […] se cache sous des buissons rongés par la dent des boucs. Ce lieu sinistre, sans grandeur, sans beauté, mais rempli d’un sentiment d’abandon et de désolation, on l’appelle Les Pierres Jomâtres ». George Sand utilisa assidument le procédé des dendrites à partir de la fin de 1873. L’aquarelle est confectionnée à partir des taches de couleurs écrasées sur le papier, que Sand appelle aussi des « aquarelles à l’écrasage ».
Drouot-Richelieu, salle 8 / Autographes et manuscrits / lundi 14 décembre 2009 / n° lot : 190 / Œuvre donnée par Aurore Sand, petite-fille de George Sand, à la romancière Germaine Beaumont (1890-1983) ; elle l’a légendée et certifiée au dos du carton d’encadrement.
Spécialiste des papillons qu’il élève et collectionne, Maurice devient membre de la Société entomologiste de France en 1855. En 1860, il publie un mémoire monumental sur la comédie italienne intitulé Masques et Bouffons, très bien accueilli par la critique. La même année, il est fait chevalier de la Légion d’honneur. Entre 1862 et 1874, il publie une dizaine de romans et nouvelles, puis en 1879, un Catalogue raisonné des lépidoptères du Berry et de l’Auvergne. Entre temps, il est admis comme membre de la Société géologique de France en 1863. Il meurt le 4 septembre 1889 à Nohant-Vic (Indre).
De 1840 et 1887 il voyage en France, en Espagne, en Italie, aux États-Unis (où il rencontre Abraham Lincoln) et en Afrique, n’oubliant jamais de croquer ici ou là, un paysage ou un monument. L’ensemble des dessins et croquis ainsi réalisés sont réunis dans 8 carnets conservés à la Bibliothèque de la Ville de Paris.
Le septième carnet concerne la France et parmi ces dessins certains se rapportent à la Préhistoire. Intéressé par l’archéologie, Maurice Sand dessine les monuments préhistoriques qu’il rencontre au gré de ses excursions. Dans ce 7ème carnet, on trouve donc huit dessins de monuments mégalithiques, quatre montrent les gravures pariétales des monuments morbihannais.
Le 12 août 1862, Maurice dessine le dolmen de Cravant et le 18 septembre un tumulus à Mâron (Indre) dans le canton de Ardentes près de Châteauroux qu’il représente de manière très réaliste avec son sapin planté en plein centre. Une photographie prise en octobre 1899 par l’archiviste Eugène Hubert (1866-1940) montre une vue du tumulus toujours couronné du même sapin près de quarante ans après la visite de Sand.
En septembre 1866, Maurice Sand passe quelques jours dans le Morbihan. A Carnac le 13 septembre, il visite et dessine le tumulus du Moustoir couronné de son menhir et les alignements de Carnac. Étonnement, on ne trouve aucune représentation du tumulus Saint-Michel pourtant très célèbre à l’époque suite aux fouilles réalisées par René Galles en 1862 et 1864.
septembre 1866. par Mauruce Sand © Bibliothèque historique de la ville de Paris (n° SAND-H-0398)
Bibliothèque historique de la ville de Paris (n° SAND-H-0398)
Le lendemain, il se rend à Locmariaquer où il visite le dolmen de la Table des Marchand et le tumulus du Mané-Lud qu’il ne dessinent pas mais dont il prend le soin de relever les diverses gravures visibles sur les dalles de ces deux monuments. Enfin, le 15 septembre, il se transporte à Plouharnel où il visite et dessine le dolmen de Kergazec et ceux de Rondossec.
En 1867, on le retrouve dans le département du Cher où il visite et dessine, le 7 septembre, le dolmen de Saint-Florent-sur-Cher qu’il voit comme une tombe celtique.
Bibliothèque historique de la ville de Paris (n° SAND-H-0398)
Un dernier dessin daté de mars 1863 décrit l’atelier de taille de silex néolithique qu’il découvre au lieu-dit Les Loges sur la commune de Vicq-Exemplet (Indre). Il y trouve « des haches, des couteaux, des pointes de lances, des polissoirs, des marteaux, des nucleus, des flèches et un fragment à la figure d’une idole. Tous ces objets étaient en silex fauve et en cornaline » (Martinet 1882, p. 50). Maurice Sand se constituera par ailleurs une collection d’objets préhistoriques découverts dans la région.
Nicolas Charmet et Cyrille Chaigneau pour Les Vaisseaux de Pierres
Sources
Sand M., ms 1862-1876. Croquis de voyage. [Carnet n° 7]. Carnet entoilé (22 x 27,5 cm), 30 folios : photographie, aquarelle, crayon, gouache, fusain, encre sur papier ou calque ; formats divers / 78 croquis de voyage réalisées par Maurice Sand entre 1862 à 1876 collés dans un carnet ; légendes et dates autographes sur les dessins 21 x 27,5 cm. Lieu de conservation : Bibliothèque historique de la Ville de Paris (n° Sand-H-0398). Provenance : donation Aurore Sand, 1953.
Bibliographie
– Bissonnette L., 2016. Maurice Sand : une œuvre et son brisant au 19ème siècle. Édition Les Presses Universitaires de Rennes.
– Bitard Ad., 1878. Dictionnaire général de biographie contemporaine française et étrangère. Paris, Maurice Dreyfous. p. 1051.
– Gétreau F., 2011. Maurice Sand, caricaturiste de musiciens. In : Actes du colloque Présences de Chopin à Nohant, juillet 2010. p. 1-15.
– Lelièvre R., 1963. La Commedia dell’Arte vue par George et Maurice Sand. In: Cahiers de l’Association internationale des études francaises, n°15. p. 247-259.
– Martinet L., 1882. Le Berry préhistorique. In : Mémoires de la Société historique, littéraire, artistique et scientifique du Cher, 3ème série, volume II, p. 1-142.
– Pincemaille G., 2003. Les Boucoiran : trois nîmois qui ont marqué leur époque. In : Mémoires de l’Académie de Nîmes, IXe série, tome LXXVI, années 2001-2002, p. 172-191.
Pour citer cet article : Charmet N., Chaigneau C. 2023. Maurice Sand : illustrations et carnets de voyages mégalithiques… In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 14 février 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …
la trace des antiques bûchers …
le socle des funestes autels …
Elle n’y va pas de main morte !!!
On est romantique, ou on ne l’est pas !!!