Photographes d’atelier et éditeurs de photos de mégalithes (7). Benjamin Pépin (1813-1881)

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1. Quelques éléments biographiques

Né le 6 juillet 1813 à Cléden (Finistère), Benjamin Pierre Marie Pépin est miroitier à Limoges (Haute-Vienne) quand il épouse en 1838 Anne Appoline Laurent. Son beau-frère, Jean Laurent (1816-1886), parti vivre à Madrid, deviendra un photographe réputé dans son pays d’adoption.

Après un détour à Périgueux (Dordogne), Benjamin Pépin installe son commerce de miroiterie à Laval (Mayenne) en 1851, rue Napoléon. Il se lance alors immédiatement dans la photographie, par la technique du daguerréotype. C’est ainsi qu’on peut lire dans le journal L’Indépendant de l’Ouest1 une publicité où Pépin « miroitier et doreur », informe qu’il « fait le portrait au daguerréotype en cinq secondes » ! Rappelons que ce procédé est découvert par Louis Daguerre en 1835 et sera présenté, après perfectionnement, par Louis Arago devant l’Académie des sciences, le 7 janvier 1839.

Benjamin Pépin et son épouse achètent en septembre 1858 un terrain nu, rue du Lieutenant, où ils font bâtir une maison à deux étages avec un atelier de photographie dans le jardin. C’est à cette adresse qu’il opère jusqu’en 1874. Après avoir vécu quelque temps rue Fontaine Groz à Landerneau (Finistère)2, il installe son commerce à Guingamp (Côtes-d’Armor) où son gendre, Alexandre Hoyau, est restaurateur3.

Benjamin Pépin décède à Laval le 26 mars 1881. Il est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris.

2. Le Portraitiste

Dans sa production de portraits, nous avons trouvé quatre modèles de dos différents, sans pouvoir distinguer de chronologie évidente. Si certains de ces collègues photographes mettent en avant les médailles obtenues lors de salons ou concours régionaux, ce qui permet de les dater les dos, ce n’est pas le cas de Pépin.

On trouve indifféremment les mentions « Pépin / Photographe » et « Photographie / Pépin ». Chez Joseph Coupé4, l’usage du terme « photographe » est antérieur à celui de « photographie ». C’est moins tranché chez Pépin puisqu’il utilise la formule « Pépin / Photographe » à la fin de sa carrière à Landerneau.

De même, les différentes adresses ne nous aident pas ordonner ses clichés dans le temps. On trouve ainsi des étiquettes « Rue du Lieutenant », et pour les impressions, les mentions : « 30 rue du Lieutenant 30 » ou « 30 rue du Lieutenant ». Peut-être peut-on émettre quelques hypothèses qui restent précaires, à savoir que l’absence de n° de rue signale les productions les plus anciennes. De même, la double indication du n° 30 parait plus ancienne que la simple mention du n° placée en premier.

Son activité de portraitiste semble se limiter à sa présence à Laval. Nous n’avons pas trouvé de portraits en dos Guingamp ou Landerneau

3. Le photographe de cartes souvenir

Son apport le plus intéressant se fait hors atelier. Dès ses débuts de photographe il réalise de belles épreuves de paysages Lavallois5. Il s’emploie ensuite à photographier les lieux pittoresques ou déjà touristiques de Haute Bretagne et du Morbihan : le sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray, les villes de Dinan, Hennebont, Fougères ou Vitré6.

Pépin a principalement fait ses tirages de cartes souvenirs en format CDV7, qui est le format standard à l’époque de son activité, entre 1851 et 1874. On trouve néanmoins quelques formats CAB8, dont une série sur le vieux Laval, et quelques photos prétendument stéréoscopiques .

Sur la cinquantaine de cartes souvenirs de Pépin en format CDV que nous n’avons consulté, 90% sont marquées au dos par un habituel « Pépin / Photographe / Laval » enrichi des armes de la ville. 5% ont un dos avec étiquette autocollante Pépin ou de revendeur et 5% présentent des dos plus récents marqués « Landerneau » ou « Guingamp ». Les dos tardifs marqués « Landerneau » ou « Guingamp » que nous avons étudiés, réutilisent des clichés de paysages datant de son activité mayennaise. Nous n’avons pas trouvé de portrait avec ces dos tardifs. Peut-on en conclure qu’il cesse toute activité de prise de vue en 1874, à son départ de Laval à l’âge de 62 ans ?

Quelques détails architecturaux observables sur ses clichés nous permettent de borner son activité de photographe de paysages. Un cliché de l’ancienne chapelle du sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray est évidemment pris avant la destruction de celle-ci en 18659. De même pour un cliché de la Scala Sancta, démontée en 187010. A contrario, une vue de la gare de Sainte-Anne-d’Auray est forcément postérieure à sa construction en 186211. On notera enfin que Pépin ne publiera pas de vue de la nouvelle église terminée en 1872

L’album souvenir que publie Pépin à l’intention des pèlerins de Sainte-Anne-d’Auray contient ces trois tirages peut donc être daté entre 1862 et 1865.

A partir d’une date qui reste là encore à préciser, Pépin, pour toucher la clientèle étrangère, légende ses clichés, en français et en anglais, sur une bande au bas du carton, précisant le nom du monument et le lieu.

Le succès de ses cartes-souvenir vendues à l’unité le conduit alors à éditer de petits albums bilingues contenant 16 photos en format CDV. Nous en connaissons deux. Le premier est titré « Sainte-Anne-d’Auray », l’autre, portant la date manuscrite « septembre 1867 » est consacré à « Dinan et Dol de Bretagne ». Dans chaque album, Pépin rassemble dans les premières pages les légendes des 16 photos sur deux colonnes français et anglais ; les tirages n’étant pas légendés individuellement.

Installé à Laval, il s’appuie pour commercialiser ses clichés de paysages bretons, sur un réseau de revendeurs répartis dans toute la Bretagne, par exemple chez Veillard à Vitré ou chez Melle Dumaine à Brest.

Comme Émile Mage12, Benjamin Pépin commercialise de prétendues vues stéréographiques. Dans l’exemple ci-dessous, il y a un seul cliché, tiré deux fois. Le tirage de droite est rogné à gauche pour donner une impression de décalage. Il n’a même pas pris la peine de rogner le tirage de gauche sur son côté droit. Passé au stéréoscope il n’y aura aucune impression de relief.

Le cliché original est celui d’une CDV, le tirage est d’abord agrandi puis rendu carré par découpage en haut et en bas pour donner cette impression de format stéréo. Le dos du carton stéréoscopique porte le marquage n°2, avec étiquette collée.

Dans son album consacré à Sainte-Anne-d’Auray, il s’intéresse aux principaux monuments du sanctuaire dont l’église, mais aussi à la Chartreuse d’Auray, le mémorial du Champ-des-Martyrs, puis la gare de la petite cité. Il complète l’ensemble avec des vues des alignements de Carnac et du dolmen de Crucuno à Plouharnel.

On connaît de lui six vues de monuments mégalithiques. Trois clichés des alignements de Carnac (Morbihan), dont deux intitulés « Pierres de Carnac-le-Ménec », une autre « Menhirs près Carnac », une photo du dolmen de Crucuno à Plouharnel (Morbihan), une photo de la grande « Pierre du Champ-Dolent » près de Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) et une photo du dolmen de la Roche-aux-Fées à Essé (Ille-et-Vilaine).

Ses tirages ont du charme, mais manquent souvent de netteté. Cela peut venir d’une utilisation exagérée du contretypage du négatif original13.

Pépin nous offre encore un bel alignement continu de cinq menhirs.

Pour le cliché du dolmen de la Roche-aux-Fées à Essé (Ille-et-Vilaine), la zone floue sur les bords ne semble pas liée à une insolation, mais plutôt à un problème de profondeur de champ ou au manque de lumière dans cette partie du sous-bois. Mais, plus important à gauche, l’effet guide notre attention vers le personnage en centre, adossé au dolmen, qui apparaît comme le véritable sujet de la photo, plus que le monument lui-même.

4. Personnages

Nous n’avons pas détecté de personnages récurrents dans ses paysages de Bretagne.

5. Parutions

En l’état actuel de nos recherches, nous ne connaissons pas d’utilisation des photographies de Benjamin Pépin dans des livres ou dans la presse.

6. Cartes postales

Benjamin Pépin est mort bien avant l’apparition de la carte postale illustrée. Et il semble que sa production n’a pas été exploitée ultérieurement en cartes postales.

7. Descendance

Né le 28 juin 1843, son fils Benjamin-Charles, sera également photographe de studio. Charles travaille avec son père à Laval jusqu’à son mariage le 20 février 1867. C’est sans doute peu après qu’il quitte la Mayenne pour le Finistère où était né don père.

A Brest, il reprend l’atelier de Léon Gigon, au 56 de la rue de Siam. Après un quart de siècle d’activité, son commerce est placé en faillite au printemps 1893. Il semble pourtant poursuivre son activité jusqu’en 1899 au moins, disposant même d’une succursale à Landerneau14.

Ses clichés ne peuvent être confondus avec ceux de son père car il signe « Pépin fils » ou « Pépin Ch. ». Il obtient une médaille d’argent à Brest en 1882. Nous ne connaissons aucune vue de monuments mégalithiques, ni même de paysages, dans sa production.

Philippe le Port (avec la collaboration de Cyrille Chaigneau), pour Les Vaisseaux de Pierres

Sources et webographie :

Bibliographie :

  1. Collectif ; 2012. Reflets de Bretagne – Les collections photographiques du musée de Bretagne. 2012. https://www.musee-bretagne.fr/index.php?id=574
  2. Ertaud G., 1999. « Benjamin Pépin. Entre miroiterie et photographie : une certaine idée du paysage local », dans : La Mayenne. Archéologie. Histoire n° 22, 1999.

Notes :

  1. n° du 18 mai 1851 et suivants ↩︎
  2. Adresse mentionnée sur un acte notarié du 8 mars 1876 ↩︎
  3. Benjamin Pépin et son épouse sont mentionnés sur le recensement de Guingamp daté du 31 décembre 1876 ↩︎
  4. Voir : https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/photographe-datelier-et-photographe-des-megalithes-3-joseph-marie-coupe-a-auray-1834-1895/ ↩︎
  5. Conservées dans les fonds patrimoniaux de la Ville de Laval https://www.fondspatrimoniaux.laval.fr/n/qui-sommes-nous/n:72 ↩︎
  6. Pour Fougères : http://www.collections.musee-bretagne.fr/resultat.php?q=benjamin%20p%C3%A9pin&spec_expand=&sort_define=score&sort_order=1&rows=12&fq=afficher%3A%28%221%22%29+AND+facette_auteur%3A%28%22P%C3%A9pin+Benjamin%22%29%20AND%20facette_lieu:(%22Foug%C3%A8res%22) / Pour vitré : http://www.collections.musee-bretagne.fr/resultat.php?q=benjamin%20p%C3%A9pin&spec_expand=&sort_define=score&sort_order=1&rows=12&fq=afficher%3A%28%221%22%29+AND+facette_auteur%3A%28%22P%C3%A9pin+Benjamin%22%29%20AND%20facette_lieu:(%22Vitr%C3%A9%22)
    ↩︎
  7. Le portrait “carte-de-visite” (CDV), désigne un format de photographie qui apparaît en France en 1854. Le tirage sur papier de la photographie est de faible dimension, soit 5,2 cm sur 8,7 cm : il est ensuite contrecollé sur un carton qui adopte le format d’une carte de visite en usage dès cette époque, soit 6,2 cm ↩︎
  8. Le “format cabinet” (CAB) désigne une épreuve photographique tirée sur papier sensible d’une dimension de 10 × 15 cm en moyenne, présentée et contrecollée sur carton fort. Les dimensions de la carte en elle-même sont de 10,8 × 16,5 cm. Elle peut être imprimée des deux côtés (signature du studio, mention publicitaire, date, etc.). ↩︎
  9. « L’évêque de Vannes, Mgr Gazailhan, procède à la « recharge sacrale » du sanctuaire en 1865 en faisant détruire la chapelle, devenue trop exiguë pour accueillir les fidèles (l’arrivée du chemin de fer dans les années 1860 ayant favorisé les pèlerinages) ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_et_sanctuaire_de_Sainte-Anne_d%27Auray. « 1866 Pose de la première pierre de la basilique (7 Janvier) » https://www.sainteanne-sanctuaire.com/?mode=histoire&langue=fr ↩︎
  10. Démontage de la Scala sacta : « En raison des travaux d’agrandissement, elle est démontée, pierre par pierre, en 1870 et transférée au fond du Champ de l’Épine où elle est bénite le 7 mars 1871 » https://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_et_sanctuaire_de_Sainte-Anne_d%27Auray ↩︎
  11. La gare de Sainte-Anne-d’Auray est « construite par la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO), en 1862, pour les pèlerins du sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray au village de Ker-Ana » https://fr.wikipedia.org/wiki/Gare_Sainte-Anne_(Morbihan) ↩︎
  12. voir : https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/photographe-datelier-et-editeurs-de-photos-de-megalithes-4-emile-mage-a-brest-1836-1908/ ↩︎
  13. Le contretype, ou reproduction, consiste à photographier une épreuve photographique. Sa matrice n’est donc pas le négatif original de prise de vue qui a été perdu ou détérioré. Un film usé, endommagé, ou menacé d’une décomposition chimique peut être contretypé. On établit un double négatif, grâce auquel on pourra tirer un nombre considérable de nouvelles copies positives. Bien exécuté, un premier contretype altère assez peu la qualité photographique (Sadoul, Cinémathèques Hist. mét.,1961, p. 1169) ↩︎
  14. voir : https://www.portraitsepia.fr/photographes/pepin/ ↩︎

Pour citer cet article : Le Port P., (Chaigneau C., collab.), 2023. Photographe d’atelier et Photographe des Mégalithes (5). Zacharie Le Rouzic à Carnac (1864-1939). In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 20 décembre 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …

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