Picard d’origine, Émile Mage, nait à Nesle (Somme), le 20 juillet 1836. Il s’installe à Brest où il se marie en 1863. Ses trois fils seront aussi photographes, l’un à Guingamp, l’autre à Paris, le dernier travaillait très certainement avec son père, mais décède prématurément en 1893.
Dans son atelier, situé au 107 rue de Siam, il réalise des portraits d’enfants et de militaires. Son travail commençant à être reconnu, il arbore les médailles commerciales obtenues, sur les dos des photos : mention honorable aux expositions de Paris de 1874 et 1876, puis « Grande médaille d’argent au concours régional de Brest de 1884 ».
Il lance une « collection complète des vues de Bretagne » en 1874. Sa série « Costumes de Bretagne » qui présente des couples en costume traditionnels de différentes villes, semble avoir connu au réel succès puisque qu’on trouve ces tirages assez facilement chez les marchands spécialisés.
Au dos de ses clichés, il indique qu’il est chargé par le ministère de l’Instruction et des Beaux-Arts de photographier les monuments historiques de la Bretagne. Pour ses cartons, il se fournis chez J.-H. Nacivet-Paris avant 1884 puis chez Tochon-Lepage.
1 – Le Portraitiste
Émile Mage produit de nombreux portraits tout au long de sa carrière dont voici quelques exemples.
2 – Le photographe de cartes souvenirs
On trouve ses vues de Bretagne en formats CDV1 et CAB2. La série est lancée avant 1874. Il signe certains clichés, mais c’est loin d’être systématique.
Il produit évidemment de nombreuses vues de la ville de Brest et de son port civile et militaire. Il réalise des vues d’églises, de chapelles et de calvaires si caractéristiques de la Bretagne, comme ici, celle du calvaire de Plougastel.
Il photographie encore les paysages remarquables de la côte bretonne : Pointe du raz, Rocher de la Torche, Baie des Trépassés, Grottes de Morgat ou Château de Dinan comme ci-dessous.
Autres images incontournables de la Bretagne, Les monuments mégalithiques ne lui échappent pas…
3 – Émile Mage et les mégalithes
Émile Mage ne semble pas porter un intérêt particulier pour les mégalithes. Il est là pour trouver le sujet qui plaira aux touristes et qui lui assurera un revenu. Mais comme nous l’avons vu, il indique qu’il a été missionné par l’État pour photographier les monuments historiques.
Pour autant, il se déplace à Carnac où il photographie l’un des dolmens de Mané Kerioned, classé sur la liste M.H. de 1889, or le cliché est plus ancien comme l’indique le dos caractéristique de son travail avant 1884. Nous lui connaissons par ailleurs un cliché des alignements de Carnac.
Sa vue du grand menhir christianisé de Ponstuval (Brignogan-Plages, 29) est intéressante. La photo est soigneusement cadrée. Les lignes du talus et la ligne du menhir amènent notre regard vers un personnage solitaire. Nous le voyons de dos, son regard tourné vers le sommet du menhir, certainement pensif, peut être admiratif. Une belle mise en perspective à l’esthétique romantique, de la monumentalité et de l’ancienneté du monument. Cette stèle néolithique a été classés M.H. sur la liste de 1889.
Émile Mage avait parfois des pratiques commerciales douteuses, puisqu’il est connu jusque sur Wikipédia pour ses « prétendues vues stéréographiques ». Une vue stéréographique est faite par un appareil stéréographique doté de deux objectifs dont l’écartement correspond à celui des yeux. Il produit 2 clichés légèrement différents, qui permettront au cerveau humain de reconstituer le relief lorsqu’il les observera à travers un stéréoscope3.
Notre photographe brestois ne semble pas s’être équipé d’un tel dispositif. Il prend donc une simple photo et colle sur un carton deux tirages légèrement décalés, pour tromper l’acheteur. Vu dans un stéréoscope, nous pouvons confirmer que la photo ci-dessous ne donne aucune impression de relief.
4 – Personnages
Dans ses vues de Bretagne, nous n’avons pas détecté de personnages qui revenaient de manière récurrente.
5 – Parutions
Nous n’avons pas trouvé de parution de ses clichés dans des livres ou dans la presse.
6 – Cartes postales
Les clichés d’Émile Mage ne semblent pas avoir été tirés en carte postale
Philippe Le Port pour Les Vaisseaux de Pierres
Notes
- Le portrait “carte-de-visite” (CDV), désigne un format de photographie qui apparaît en France en 1854. Le tirage sur papier de la photographie est de faible dimension, soit 5,2 cm sur 8,7 cm : il est ensuite contrecollé sur un carton qui adopte le format d’une carte de visite en usage dès cette époque, soit 6,2 cm ↩︎
- Le “format cabinet” (CAB) désigne une épreuve photographique tirée sur papier sensible d’une dimension de 10 × 15 cm en moyenne, présentée et contrecollée sur carton fort. Les dimensions de la carte en elle-même sont de 10,8 × 16,5 cm. Elle peut être imprimée des deux côtés (signature du studio, mention publicitaire, date, etc.). ↩︎
- Pour en savoir plus sur la photographie stéréoscopique : https://imagestereoscopiques.com/ ↩︎
Webothèque
- https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Mage
- https://data.bnf.fr/fr/14977284/emile_mage/
Pour citer cet article : Le Port P., 2023. ‘Photographe d’atelier et éditeurs de photos de mégalithes (6). Émile Mage à Brest (1836-1908)’. In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 24 juin 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …