Le coin du photographe (11) : l’usage archéologique, touristique et scolaire des photos aériennes des mégalithes de Carnac de 1940 aux années 1960

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La première photographie aérienne date de 1858, elle est l’œuvre du photographe et aérostier Félix Nadar qui prend un cliché depuis un ballon captif. La technique est utilisée à partir de 1900 pour faire des relevés topographiques et de la cartographie. Elle sert à faire du renseignement militaire pendant les deux guerres mondiales. Elle est utilisée en archéologie aérienne à partir de 1925.

Les premiers clichés aériens de mégalithes à Carnac sont pris par des archéologues allemands à la fin de l’été 1940. Puis vient le tour de sociétés privées qui vers 1950 réalisent des campagnes de prise de vue aérienne pour réaliser des cartes postales et du matériel pédagogique, des affiches scolaires par exemple. L’Institut National Géographique (IGN) réalise quant à lui une campagne générique de vues verticales à haute altitude de Carnac en 1947, puis en 1957 fera un passage de 3 photos obliques centrées sur le Ménec. L’objet de cet article est de survoler cette production.

1. La campagne allemande de 1940

En 1937 des archéologues Allemands font un voyage d’étude à Carnac, car la civilisation mégalithique intéresse le 3ème Reich pour des raisons idéologiques2. C’est tout naturellement qu’ils profitent de la défaite de la France pour revenir à la fin de l’été 1940 procéder à un relevé complet des alignements de Carnac avec prises de vues par avion3. Quatre de ces photos sont édités dans un livre paru en 1943, « Die Steine Von Carnac ».

2. Les photos de l’Institut Géographique National (IGN)

La première campagne de photographie aérienne de l’IGN dans la région est réalisée en 1938 à la verticale et a plus de 2000 mètres d’altitude, et consiste en une centaine de clichés couvrant toute la zone autour du port et de l’arsenal militaire de Lorient.

Il faut attendre le 23 avril 1947, pour que l’IGN réalise une campagne aérienne sur Carnac avec 27 clichés verticaux pris probablement à 2000 m d’altitude. Les alignements de Carnac apparaissent sur les clichés n°16 (Ménec) et n°25 (Ménec et Kermario). L’IGN réitérera ce type de campagne régulièrement par la suite.

En 1952, pour des raisons qui nous sont inconnues, l’IGN prend trois clichés obliques assez mal cadrés, « par-dessus la portière », dont un cliché du Ménec (n°3885) et deux clichés du port d’Etel (n° 3886 et 3887), suivis en 1956, de trois autres clichés obliques du Ménec, mais de qualité cette fois-ci, et en 1960 de 10 clichés couvrant les 4 champs de menhirs. Vous pouvez les consulter sur le site de l’IGN4.

3. Roger Henrard : précurseur de la photo aérienne commerciale

Roger Henrard (1900-1975), est un photographe français, spécialisé dans la photographie aérienne. Il découvre l’aviation vers 1917 en étant monteur sur le Bréguet 14 aux Établissements Schmidt. En 1918, il obtient, peu avant l’armistice, son affectation militaire dans un centre de formation de pilote. Puis il assiste son père qui dirige à partir de 1930 la société Jules Richard fabricant d’instruments de mesure et de photographie, notamment le Vérascope (appareil photo stéréoscopique). En 1933 la société conçoit un appareil photo pour l’armée de l’air que Roger Henrard, pilote breveté, met au point en conditions réelles et utilise ensuite plus tard au-dessus de l’Allemagne. Il ne lui reste plus, après-guerre qu’à utiliser ses compétences pour de la prise de vue civile5.

Roger Henrard a réussi pendant plus de vingt ans à obtenir les autorisations nécessaires pour survoler la capitale à très basse altitude, et pour réaliser, entre autres, les 1750 photographies aériennes de Paris aujourd’hui conservées au musée Carnavalet6.

3.1. Les cartes postales

Roger Henrard fait une campagne de prise de vues au-dessus de Carnac avant 1950, et produira notamment un cliché du Ménec qui est utilisé dans deux cartes postales éditées par la Société S.E.R.P. / GREFF (cf. infra.).

3.2. Le cliché du Ménec de Roger Henrard dans les affiches scolaires chez Armand Colin

La société Armand Colin édite, sans doute vers 1960, en supplément de son mensuel « L’école et la Vie »7 des affiches scolaires. Elles sont classées en au moins sept séries thématiques de dix affiches chacune, commandables série par série. Le dos de chaque affiche est imprimé avec un schéma, une carte ou un tableau ayant trait à l’une des autres affiches de la série. La série n°6 traite de l’évolution des constructions humaines au cours de l’histoire. Le Paléolithique y est représenté par Lascaux, le Néolithique par les alignements de Carnac, l’Antiquité romaine par les arènes et le théâtre antique d’Arles, et après avoir couvert le Moyen-Âge et Renaissance, la série se termine par le 17ème avec le Château de Versailles8.

Armand Colin utilise le superbe cliché de Roger Henrard qui met en valeur les alignements du Ménec, comme il ne l’ont jamais été auparavant..

Sur ce cliché de Roger Henrard, c’est encore la campagne, la route touristique n’existe pas encore. Le point d’eau où les vaches du Ménec vont s’abreuver apparait en haut à gauche, avec les sentes réalisées par les bêtes.

Le dos explicatif montre une carte de la région de Carnac avec les différents alignements, dolmens et tumulus. Elle est équivalente à celle du Guide du Voyageur, Carnac et ses alentours de 1878 et celle de Monuments mégalithiques de Carnac et Locmariaquer de Zacharie le Rouzic de 1901. Ces cartes coïncident avec la zone définie dans le cadre du projet d’inscription par l’UNESCO au titre de « patrimoine mondial ».

4. La société LAPIE (Les Applications Photographiques d’Industrie et d’Édition)

La société LAPIE est un éditeur équipé de ses propres avions pour réaliser son travail de prise de vues aérienne. La société est active de 1948 à 19659.

4.1. Les formats et les usages

LAPIE édite, comme ses concurrents, des cartes postales au bromure au format 14,8 x 10.5 cm (format A6), signée « LAPIE Carte Postale ». Se sont des cartes « au bromure » destinées au tourisme. Pour les formats plus grands, la société réalise, non pas des impressions, mais de véritables tirages photographiques, plus précis en termes de détail, mais plus cher à produire, surtout dans les grandes tailles. On les trouve en trois formats différents :

  • 26,7 x 22 cm – LAPIE, Service Aérien. Usage touristique.
  • 45 x 27 cm – LAPIE, Service Aérien. Usage Pédagogique. C’est le format de la série sur les départements et le format de la série géographie nationale (164 planches) qui accompagne les livrets Cours élémentaires et Cours moyens de géographie.
  • 60 x 45 cm – LAPIE. Grand format. Usage pédagogique. C’est le format de la série Historique (50 planches), accompagnée d’un livret.

4.2. Les Cartes postales LAPIE

LAPIE éditera une série nationale de cartes postales « En avion au-dessus de … ». Dans cette série, l’éditeur consacre 19 cartes à « Carnac-Ville » dont les n° 4, 8, 9, 10 et 14 pour les alignements du Ménec et la n°19 pour le tumulus Saint-Michel. Nous les avons regroupées avec les cartes postales d’autres éditeurs (cf. infra).

4.3. Les tirages touristiques 22 x 26,7 cm

LAPIE produit des tirages touristiques en format 22 x 26,7 cm, successeur en termes de format et d’usage des grands formats Neurdein de 1910. Un beau cliché des alignements du Ménec en fait partie.

4.4. La documentation pédagogique Aérienne au service de l’enseignement

De 1900 à 1945 les instituteurs ont utilisés comme support pédagogique pour enseigner la géographie de grandes affiches scolaires cartonnée, joliment dessinées et colorées. La société LAPIE promeut désormais pour les remplacer, la modernité et la vérité de la photo, avec une offre complète dédiée.

« Nous ne sommes plus au temps où l’on croyait enseigner la géographie en faisant apprendre par cœur des définitions aux enfants. Non que la connaissance de définitions précises constitue en soi une mauvaise chose, mais la définition ne peut être réellement comprise que si elle constitue l’aboutissement d’un effort d’observation effectué par l’élève. Cet effort d’observation n’est possible que si le maître dispose d’un matériel « valable ». L’image format timbre-poste, le dessin plus ou moins heureusement coloré ne sont que des pis-aller. La photographie prise vu niveau du sol, elle-même, ne permet pas souvent de voir ce qui serait « décisif » pour faire comprendre le point essentiel à étudier ; par contre, grâce à l’avion qui peut se placer à l’endroit le plus favorable pour réaliser les prises de vues, la photographie aérienne offre d’immenses ressources. »

Préface du livret « observation géographique cours élémentaire

4.4.1. Cours élémentaires « Les Termes Géographiques », et Cours moyen « l’Observation Géographique »

Nous n’avons trouvé aucune photographie de monuments mégalithiques dans cette série disponible en tirages 45 x 27 cm, mais elle montre comment LAPIE utilise sa banque de prises de vues aériennes pour créer un outil pédagogique conçu pour trois années de scolarité. Les photographies rattachées à une année sont livrées complètes dans un beau carton rouge plastifié, accompagné d’un livret de « commentaires »10 édité conjointement par LAPIE et SUDEL11. La série compte 164 planches pour les trois années.

4.4.2 La série des « Départements »

LAPIE fait une sélection dans sa banque de photos, pour créer une série (format 45 x 27 cm) par département, avec commentaire au dos. Il est certainement destiné à un usage pédagogique et permet à l’instituteur de mieux faire connaitre à ses élèves leur département à une époque où les déplacements sont encore rares. Les commentaires au dos semblent en tenir lieu de livret pédagogique.

Dans la série consacrée au Morbihan on trouve deux photos de monument préhistorique. La première de l’alignement du Ménec, prise à très basse altitude, illustre le « Riche passé » du Morbihan. On note la précision du cliché avec les quatre personnages qui regardent l’avion en bas à gauche. Le texte indique qu’à cette époque on date les grands mégalithes de Carnac-Locmariaquer de « 2 000 et 1 800 avant notre ère », datations admises à l’époque, avant que les premières datations absolues obtenues par la méthode du radiocarbone dans les années 50 ne les placent dans les 5ème et 4ème millénaire av. n.è.

Au dos, on trouve le commentaire suivant :

« Longés par une route touristique (à gauche) les alignements du Ménec, dont on ne voit ici qu’une partie, constituent l’un des trois grands champs de menhirs qui se développent sur 4 km environ près de Carnac. On aperçoit à l’arrière-plan la baie et la presqu’île de Quiberon. Les alignements du Ménec comprennent 1099 menhirs, répartis en 11 rangées sur une longueur de 1167 m et une largeur d’une centaine de mètres. Les plus élevés, près du hameau du Ménec (au fond), atteignent la hauteur de 4 m. C’est à cette extrémité que 70 menhirs disposés en demi-cercle autour d’un dolmen forment un cromlech. L’origine et la signification de ces monuments demeurent mystérieuses. On a constaté que leur orientation OSO-ENE correspondait à la direction du lever du soleil à des dates très importantes de l’année agricole, à égale durée du solstice et de l’équinoxe. On les considère généralement comme des lieux de rassemblement lors de grandes fêtes religieuses. Leur édification suppose une abondante main d’œuvre et des techniques évoluées. Il est à remarquer que les monuments mégalithiques sont particulièrement nombreux et importants près du littoral morbihannais, surtout entre le golfe et la rivière d’Etel : tumuli de Tumiac près de Port-Navalo, de l’île de Gavrinis, de St-Michel à Carnac ; Table des marchands et menhir géant du Men er Hroech (20 m) à Locmariaquer etc … Ils attesteraient dans la deuxième partie du néolithique ou âge de la pierre polie (entre 2 000 et 1 800 avant notre ère) » l’entrée de l’Armorique dans un domaine de civilisation étendu tout au long des rivages atlantiques de l’Europe (Le Lannou ). Dominée par la recherche des métaux, surtout l’étain, cette époque a vu l’Armorique sortir de son isolement primitif et témoigner d’une civilisation brillante (peuplement, organisation maritime et rurale perfectionnée) CARNAC est aujourd’hui non seulement le centre très visité d’une région particulièrement riche en vestiges préhistoriques, mais une station balnéaire en plein développement (CARNAC-plage, sur la baie de Quiberon). »

Cette série nous offre aussi la première photo aérienne du groupe de stèles de Sainte-Barbe à Plouharnel. Les monolithes ne sont pas ici le sujet central puisqu’elle illustre le « paysage rural auprès des côtes ». Le commentateur s’étonne de voir les menhirs intégrés aux murs de clôtures : « on peut noter la curieuse utilisation des menhirs promus bornes agraire ». Il ignore que cela a été d’un usage constant depuis les temps médiévaux.

« Sainte Barbe est un village de Plouharnel situé à la racine de l’isthme de Quiberon. Hoche y tint son quartier général en 1795, lors du débarquement des émigrés. Nous sommes ici à la limite du plateau granulitique et des massifs de dunes littorales, sur l’emplacement de l’ancien rivage (Monastirien). L’insignifiance du relief explique l’ampleur des phénomènes de régularisation de la côte. / Le contraste est net entre le paysage des dunes (à l’arrière-plan) et celui des champs cultivés dont certains sont « ouverts », d’autres enclos par des muretins ou de petites haies dépourvues d’arbres. On peut noter la curieuse utilisation des menhirs promus bornes agraires. »

4.4.3 La série l’Histoire au cours moyen

LAPIE édite une série histoire qui est composée de 50 planches au format 60 x 45 cm. Lascaux représente le Paléolithique et porte le n°1, Carnac représente le Néolithique et porte le n°212. La « Boule », premier réacteur civil de la centrale nucléaire de Chinon (à Avoine, Indre-et-Loire), lancé le 14 juin 1963, termine la série avec le n° 50.

Les affiches LAPIE sont certes plus précises et réalistes que les générations précédentes illustrées en couleur, mais elles ne sont pas exemptes d’inconvénients. Disponibles uniquement en noir et blanc, elles sont deux fois plus petites en surface. La plupart des affiches scolaires anciennes, cartonnées ou sur toile, avaient pour dimensions 90 x 65 cm.

Intéressantes dans un cours de géographie, les photos aériennes montrent leurs limites en cours d’histoire car on ne peut inclure des personnages ou scènes d’époque, impossible même d’en retirer les aspects modernes, personnages, voitures, immeubles. LAPIE compensera cet inconvénient en incluant dans sa série des photos de tableaux anciens (« Le sacre de Joséphine » par David, par exemple). La série est accompagnée d’un livret de commentaires à l’usage des enseignants.

5. Les cartes postales aériennes Cim, Greff, LAPIE, et GABY.

Les vues aériennes éditées en cartes postales représentent le plus souvent des plages, des îles, des châteaux, des hôtels, des terrains de camping, des villages et des villes. Pour les mégalithes seuls les alignements de Carnac ont l’ampleur et l’envergure suffisante pour justifier une prise de vue aérienne, même si le tumulus Saint-Michel à Carnac retiendra aussi l’attention des aviateurs photographes.

Les clichés les plus anciens (avant la route touristique de 1953) sont celui de Roger Henrard édité par GREFF et ceux de Ray Rancurel édités par CIM. Les plus nombreux, sont ceux édités par LAPIE, pris en 1957 et 1958 (sans indication du nom du photographe).

Nous présentons ci-dessous douze cartes postales sur le sujet. Nous nous sommes limités aux clichés en N&B des années 50, qualifiés par les cartophiles comme « Cartes Postales Semi Moderne » ou « CPSM »13. Certaines CPSM ont été colorisées à postériori. Nous avons classé les éditeurs suivant l’ancienneté perçue de leur production.

5.1. Cartes postales « Greff »

L’éditeur parisien S.E.R.P., va éditer de nombreuses cartes postales sous la marque « Greff ». Les clichés aériens proposés par la société, avec un logo spécifique, sont puisés dans la banque d’images de Roger Henrard (cf. supra.).

5.2. Cartes postales « Cim »

Dans les années 1950, l’entreprise mâconnaise CIM devient spécialiste de la vue aérienne…Jean-Marie Combier a, pour cela, acheté trois petits avions de reconnaissance laissés en Europe après-guerre par l’armée américaine : ces cartes portent la mention « Editions Aériennes COMBIER IMP. MACON ».

Ses cartes postales seront d’abord imprimées en N&B, puis seront en partie colorisées manuellement, pour être enfin tirées en quadrichromie dans les années 60. L’entreprise atteint son apogée dans la décennie suivante, avec plus de 80 millions de cartes postales vendues par an.

Les deux clichés ci-dessous sont pris avant 1953, puisque la « route touristique » n’y apparait pas. Vue intéressante sur le château d’eau implanté le long de la rue de Courdiec, au sommet de la colline de Bellevue, en lieu et place du moulin à vent que l’on peut voir sur les cartes de Zacharie Le Rouzic.

5.3. Cartes postales « GABY »

Spécialisé dans le grand Ouest, la société ARTAUD (du nom de Gabriel ARTAUD (1881-1966), son fondateur), basée à Nantes puis à Nozay, a édité de très nombreuses CPA à partir de 1905. La Société a utilisé la marque GABY pour produire des CPSM, comme celles ci-dessous.Celle voyagée en 1954 est la plus ancienne carte postale aérienne de Kermario que nous connaissions. Les deux clichés ont certainement été pris le même soir..

On peut remarquer au nord-ouest de l’ouvrage de stèles, une profonde carrière d’argile aujourd’hui rebouchée, mais que l’on devine encore au droit de la file nord du système.

5.4. Cartes postales aériennes « LAPIE »

Les photos LAPIE portent toujours l’indication « Véritable photo au bromure », au dos. C’est amusant d’utiliser ce point comme argument de vente, puisque c’est le procédé standard de fabrication des CPSM. La conservation des cartes produites avec ce procédé s’avère d’ailleurs délicate, elles « tuilent » naturellement et elles « craquellent » facilement14.

5.5. Le tumulus Saint-Michel vue du ciel, tout éditeur confondu

Si les alignements vont attirer le regard et l’intérêt des aviateurs photographes, sûr des retombées commerciales de tels clichés destinés aux touristes, le tumulus Saint-Michel à lui aussi été photographié. Mais est-ce le Tumulus Saint-Michel, ou le pittoresque du Mont Saint-Michel carnacois et sa chapelle sommitale, quand ce n’est pas l’hôtel du Tumulus qui est le centre de la préoccupation du photographe, le tumulus se retrouvant de fait dans le cadre.

Le Tumulus Saint-Michel, n’a pas encore pris son statut de « tumulus carnacéen » et n’a pas l’importance archéologique qu’on lui reconnait aujourd’hui, parmi les plus anciennes tombes géantes connues sur la planète, au milieu du 5ème millénaire av. n.è. De même, il n’y a aucune volonté de faire le lien entre le tumulus et les alignements… l’idée que ces monuments si différents l’un de l’autre, sont contemporains et ne sont en fait que les parties d’un même projet architectural, n’avait pas encore émergé dans l’esprit des archéologues.

Conclusion

En 1950, les affiches scolaires de la société LAPIE, et celles de « L’École et la vie », peuvent convaincre les élèves français que Lascaux représente le Paléolithique français, et Carnac le Néolithique. Idée bien sûr simpliste, mais simple à retenir. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le site de l’académie de Paris16 nous indique que la « révolution néolithique » y est enseignée en sixième. Le déroulé du cours, présenté sur le même site, donne aux élèves une perspective globale de cette période dans le monde, puisque les exemples qui sont pris pour l’illustrer sont le village de Jerf Al-Ahmar en Syrie , le personnage d’Otzi en Autriche, le néolithique chinois (la culture du Yangshao), le bas-relief du Khanguet el-Hadjar en Algérie, et la nécropole de Varna en Bulgarie.

On peut légitimement se demander pourquoi Carnac qui est de la même importance que Varna n’apparait pas dans ce déroulé. Incompréhension justifiée quand on sait que 4500 ans avant n.-è. les plus anciennes tombes géantes aujourd’hui connue dans le monde pour un seul dignitaire, sont les tumulus carnacéens, dont le tumulus Saint-Michel à Carnac.

Point de chauvinisme ici, mais le nécessaire besoin de protéger notre patrimoine en le faisant connaitre de toutes les générations d’écoliers. Souhaitons que l’inscription par UNESCO des « Mégalithes de Carnac et des Rives du Morbihan » sur la liste du Patrimoine mondial incite l’Éducation nationale à s’assurer que le « phénomène carnacéen » que décrivent aujourd’hui les préhistoriens, explosion architecturale sans équivalent dans le monde à cette époque fasse pleinement partie du déroulé du cours de 6éme dans toutes les académies.

Philippe Le Port pour Les Vaisseaux de Pierres

Merci à Yannick Guimond pour les deux photos pédagogiques LAPIE de la série « Morbihan »

Bibliographie et webothèque

Si vous voulez aller plus loin sur les cartes postales semi-modernes, nous vous conseillons cet article :

Pour mieux connaitre Roger Henrard :

  • https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-4877-Richard%20Jules_Altiphote.html.
  • Le livre : Henrard R., 1952. Paris vu du ciel. Paris : Armand Colin, 1952, in-4° carré, 120 photos aériennes.
  • Le livre : Henrard R., 1953. Un enragé du ciel. Préface de Jules Roy. Ouvrage illustré de 10 photographies. Paris : Julliard, 1953, in-8 broché (19,3 x 14,3 cm), 248 p. (coll. « risques et périls »).
  • La bande dessinée : Safieddine J., Guyon L., 2015. L’enragé du ciel. éd. Sarbacane, 2015, 146 p.

Bibliographie autre :

  • Hülle W., 1942. Die Steine von Carnac. Leipzig, Johann Ambrosius Barth, Verlag, 1942. 94 p.
  • Perschke R., 2013. « Les mégalithes du Morbihan littoral sous l´occupation allemande (1940-1944) », in : Bulletin et Mémoires de la Société polymathique du Morbihan, tome CXXXIX. Vannes : Soiciété polyathique du Morbihan, 2013, p. 63-89.

Notes

  1. Une carte postale du même cliché a voyagé le 29 juillet 1950. Le cliché est donc antérieur à cette date. ↩︎
  2. Perschke R., 2013. « Les mégalithes du Morbihan littoral sous l´occupation allemande (1940-1944) », in : Bulletin et Mémoires de la Société polymathique du Morbihan, tome CXXXIX. Vannes : Soiciété polyathique du Morbihan, 2013, p. 63-89. ↩︎
  3. « Les monuments mégalithiques du Morbihan ont toujours fasciné les archéologues allemands. Ce que met en évidence, dans une récente communication, Reena Perschke, docteur en archéologie, qui cite un voyage effectué en juillet 1937 par les 27 membres du Reichsbund für Vorgeschichte. Ces visiteurs sont alors pilotés par le Dr Werner Hülle, né en 1903, assistant du professeur et archéologue Hans Reinerth, qui dirige au sein du parti national-socialiste le Reichsbund, dont l’objectif idéologique était d’établir une archéologie fondée sur la pureté raciale germanique » https://kristianhamon.blogspot.com/2017/03/werner-hulle-archeologue-nazi-carnac.html ↩︎
  4. L’IGN fait principalement des campagnes de vue en vertical à altitude élevée. Néanmoins ils font spécifiquement pour les alignements des vues en oblique, 1 cliché du Ménec en 1952, 3 clichés du Ménec en 1956 et 10 clichés des 4 champs de menhir de Carnac le 21-8-1960. https://remonterletemps.ign.fr. ↩︎
  5. « En 1932, les Établissements Jules Richard, avaient été pressentis, par les services techniques de l’aviation, pour construire un appareil photographique 18 x 24 pouvant faire 200 vues en continuité. Ce matériel fut mis au point en collaboration avec l’ingénieur Labrely (inventeur entre autres du mécanisme compliqué de la cinématographie au ralenti). En 1933, les établissement Richard sortaient un appareil agréé par l’Armée de l’Air et devenaient, dès ce moment, presque l’exclusif fournisseur de l’Armée de l’Air pour ce matériel jusqu’aux premiers jours de la guerre (…) Entre temps, M. Roger Henrard, pilote-aviateur de longue date, officier-pilote de réserve, avait eu le souci de faire lui-même la mise au point en effectuant des vols d’essais et de rendement. (…) Sans avoir la prétention d’être un as de la technique, il est devenu un bon opérateur de photo avec la particularité qu’ayant dû installer son gros appareil « Planiphote » automatique de 70 kilos sur son monoplace, il s’était habitué à travailler seul, c’est à dire à viser, à déclencher, à manipuler son appareil sans cesser pour autant de piloter (…). M. Henrard enregistrait de 1932 à 1939 début de la guerre, plus de 25.000 photographies. Ajoutons en passant que 11.000 de ces dernières furent prises par lui au-dessus de l’Allemagne, parfois à 5 ou 600 km en profondeur au-dessus du territoire hitlérien, au grand bénéfice de notre service de renseignement français pour lequel M. Henrard travaillait bénévolement. (…) La technique de prise de vues est simple. L’appareil photographique, en station fixe et oblique dans son axe optique par rapport au sol, se trouve situé derrière le pilote à la place arrière. L’appareil, complet avec sa batterie, son magasin de 200 vues 18 X 24, fonctionne intégralement à l’électricité, le déclenchement se faisant par poussoir à main, permettant la prise d’une photographie toutes les six secondes si désiré. Il faut donc piloter en vol ralenti, se mettre à bonne altitude, à bon angle de lumière, avoir l’œil collé au viseur en même temps que l’on pilote. Prendre une photo et redéclencher six secondes après (…) En fait, si ceci paraît simple, il y a cependant quelques difficultés. La plus grande, dans le cas qui nous intéresse, celui de M. Henrard, est de voler lentement pour avoir plus de netteté avec un avion qui est cependant très rapide. Pour cela, avec l’appareil employé (Norécrin), il faut réduire le moteur considérablement, descendre les volets de courbure pour freiner l’avion et, dans cette position qui frise la perte de vitesse, opérer en ayant l’œil au viseur ; abandonner donc de ce fait le contrôle de ses appareils de bord… Autre détail important, la plupart des photographies prises par M. Henrard, le sont à grosse échelle en oblique, et la hauteur, en général, ne varie guère entre 50 et 100 mètres… » source : https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-4877-Richard%20Jules_Altiphote.html. ↩︎
  6. https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Henrard ↩︎
  7. L’École et la Vie est un mensuel professionnel s’adressant au personnel de l’éducation nationale. Lancée en 1917, la revue est dirigée par l’universitaire et pédagogue Paul Crouzet. Chaque numéro comporte des articles portant sur des considérations théoriques et pratiques du métier d’enseignant. Elle cesse de paraître définitivement en 1982. ↩︎
  8. Nous avons pu vérifier que les séries 5, 6 et 7 contiennent dix affiches. La série 5 porte sur la Géographie physique et industrielle, la série 6 sur l’Histoire et l’architecture, la série 7 sur les Machines et les découvertes scientifiques. Les affiches n’ayant pas de trace de pliure, il est peu probable qu’elles aient accompagnées les livraisons mensuelles de « l’École et la vie ». Les séries devaient être commandées individuellement, mais chacune dans leur intégralité. Les dix affiches de le 6ème série sont les suivantes : Lascaux, la frise des têtes de cerf ; les alignements de Carnac ; la villa gallo-romaine de Montmaurin ; Arles : les arène et le théâtre antique ; une église romane : Saint-Nectaire ; une cathédrale gothique : Chartres ; Château-Gaillard ; Aigues-Mortes ; Azay-le-Rideau ; Versailles. ↩︎
  9. « L’entreprise LAPIE est fondée en 1948 et se présente comme une entreprise d’imprimerie, d’édition et de vente d’imprimés divers et plus particulièrement, de cartes postales. Établie à Saint-Maur-des-Fossés dans le département de la Seine (Val-de-Marne), LAPIE poursuit son développement en achetant plusieurs avions pour s’orienter vers la prise de vues aériennes. Dans les années 1950, l’entreprise édite et commercialise de nombreuses vues aériennes de tout le territoire français et sa production est destinée aux éditions à vocation touristique, publicitaire mais également pédagogique (documentation photographique pour l’enseignement de la géographie notamment). Au milieu des années 1960, LAPIE va cependant décliner, jusqu’à son redressement judiciaire en 1965 ». https://francearchives.gouv.fr/fr/findingaid/719ce9439c56fd871988c4e45d664c4047cfe653 ↩︎
  10. -1- Les termes géographiques au cours élémentaire. Dimension 13 x 21 cm . Livret avec les commentaires à l’usage des maîtres. Photographies numérotées de 1 à 53. 1958/1959 (3e édition ), 1960 (4éme édition), 1962 (5éme édition), 1964 (6ème édition). De 1 à 30 les photos concernent les aspects Physiques de la France (littoral, fleuve, plaines, reliefs. De 31 à 53 les aspects Economiques de la France (Fermes, usines, mines, autoroutes, ports, aérodromes etc..).
    -2- L’observation géographique au cours moyen 1ére année, Dimension 13x21cm . : France physique. Dimension 13x21cm. Photographie Aériennes. Sudel /Lapie, 3éme édition (sans date). Livret avec les commentaires à l’usage des maîtres. Photographies numérotées de 1 à 56. Photo N°7 : La presqu’ile de Quiberon. Photo N°56 : Le relief insignifiant de la Bretagne : les Monts d’Arrée (Collection particulière).
    -3- L’observation géographique au cours moyen. 2eme année : France économique et humaine Dimension 13x21cm. Livret avec les commentaires à l’usage des maîtres. Photographies numérotées de 57 à 111. ↩︎
  11. SUDEL est un éditeur de livres et d’affiches scolaires. « C’est le Syndicat national des Instituteurs qui créa, en 1932, la Société universitaire d’édition et de librairie : SUDEL. Avec une idée précise : mettre à la disposition des maîtres du primaire des manuels plus conformes à leurs aspirations pédagogiques ». https://www.lemonde.fr/archives/article/1978/03/04/les-editions-sudel-vont-cesser-leurs-activites_2983452_1819218.html ↩︎
  12. Les neuf premières affiches de la série Histoire de Lapie. LAPIE Scolathèque Histoire : Fresque grotte de Lascaux (17000 à 2000 avant J.C. ; Alignements de Carnac (4000 avant J.C. ; Alésia (-52 avant J.C.) ; Jublain 1er siècle ; Pont du Gard 1er siècle ; Baptistère Saint-Jean Poitiers VIème siècle ; Oratoire Carolingien Germiny des Près IXème siècle ; Col de Montagne (Ronceveau ?) ; Saint-Nectaire XIIème siècle. ↩︎
  13. Pour désigner les cartes postales produites de 1920 à 1975 on emploie le qualificatif de « semi-moderne » https://museedelacartepostale.fr/periode-semi-moderne/ ↩︎
  14. Les cartes en phototypie de 1900-1920 que l’on qualifie de Cartes Postales Anciennes (CPA) se conservent elles très bien. Elles restent bien plates et ne sont pas sujet à la craquelure. ↩︎
  15. Difficile de dire comment les LAPIEs étaient colorisées. Mais pour les CIM, un article très intéressant indique qu’à partir d’un tirage noir et blanc, on utilise la colorisation qui recrée manuellement l’illusion de la couleur. Ce sont les femmes qui exécutent ce travail dont l’habileté et la minutie sont importantes.Dans l’atelier des « Pompons », les opératrices utilisent trois pochoirs de trois couleurs (jaune, rouge et bleu) reportées sur une planche de 9 cartes tirées au bromure. Les planches sont coloriées à la main avec des tampons encreurs d’où le surnom de « pompon » donné aux opératrices. https://education-programme.over-blog.com/2019/03/cartes-postales-semi-modernes-cpsm-etude-christane-bondoux.html ↩︎
  16. Ce n’est pas nous qui avons fait le choix de cette académie en particulier, mais son site Internet est arrivé en tête dans notre moteur de recherche. Nous n’avons pas non plus fait une étude exhaustive académie par académie.
    https://pia.ac-paris.fr/portail/jcms/p2_1351496/la-revolution-neolithique-6e ↩︎

Pour citer cet article : Le Port Ph., 2025. « Le coin du photographe (11) : l’usage archéologique, touristique et scolaire des photos aériennes des mégalithes de Carnac de 1940 aux années 1960 », in : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 14 avril 2025.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …

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