Photographe d’atelier et photographe des mégalithes (2). Alexandre Laroche (1850-1938).

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Alexandre Laroche assis au pieds d’un des menhirs géants de Kerderff, Carnac). (circa 1888) – Format CAB (7), dimensions 10 x 13,8 cm tirage albuminé collé sur feuille album, dos vierge (collection particulière)

Alexandre Laroche est né le 11 février 1850 à Tours (Indre-et-Loire) (1). Son père, Alexandre-Paul y exerçait la profession de “fabricant de chocolat”, puis s’installe à la fin des années 1860 comme professeur de musique à Vannes. Les Laroche sont donc d’abord connus et reconnus comme une famille de musiciens. Outre son père, deux de ses frères seront aussi professeurs de musique : son frère ainé Anatole chez les Pères jésuites de Vannes et Lucien son cadet, luthier, compositeur et organiste, dont une place de la ville porte le nom (3). Idem pour son fils Lionel-Karl, violoniste et pour sa belle-fille, Marie-Thérèse (dite Mythée) qui fut professeure de piano.

Le 14 février 1889, il se marie dans le 4ème arrondissement de Paris avec Marie-Anne Laudrin (1860-????), originaire de Bignan dans le Morbihan. Ils vivront et exerceront à Vannes, au 10 Rue du Mené. De ce mariage naitront 4 enfants : Adrien, Guy, Lionel-Karl et Armelle.

On ne sait pas ce qui décide Alexandre à fonder un studio de photographie en 1872. Jusque 1880, il se déclare « peintre photographe », puis indique simplement « photographie artistique ».

Il produit des portraits par milliers, mais aussi des cartes souvenirs pour les touristes. La numérotation de ses clichés indique que, tous types confondus, il en produira plus de 22 000 au cours de sa carrière.

C’est Francis Decker (futur maire de Vannes de 1945 à 1965) qui rachète son fonds de commerce probablement en 1912. En effet, le recensement de 1911 signale encore Laroche comme “photographe patron”. Or, “on trouve la signature F. Decker sur des cartes postales de la fête de la gymnastique à Vannes en juillet 1912” (4).

Notable bien installé dans sa ville d’adoption (il fut conseiller municipal et membre du Conseil de la Caisse d’Épargne), Alexandre Laroche décède en 1938. Ses obsèques ont lieu en la cathédrale de Vannes devant une assistance nombreuse (5).

1- Le portraitiste

Son installation comme photographe en 1872, suit de peu le départ de Alexandre Carlier pour Paris (2). On peut remarquer la similitude entre les signatures des versos des dernières cartes de Carlier en 1869 avec celles de Laroche vers 1872. Cela peut être une volonté affichée de se poser en successeur ou simplement une coïncidence et un lettrage à la mode.

S’il ne numérote pas les clichés à ses débuts, il le fera presque systématiquement par la suite, rajoutant même la mention imprimée « Cliché N°…… », au dos du carton.

Maintenant installé et son travail reconnu, il indique l’année de fondation de son commerce (1872), puis affiche les médailles qu’il a obtenu : Médaille d’argent à l’exposition des beaux-arts Le Mans en 1880 ; Médaille d’or à Vannes en 1883 ; Médaille d’or à Paris en 1883 de la part de l’Académie nationale Agricole, Manufacturière et Commerciale ; Médaille d’or à Vannes en 1892.

-2- Le photographe de cartes souvenirs

Il utilise indifféremment le même dos de carte pour les portraits et pour les paysages, dos qui détaille l’éventail de son offre commerciale : « Portraits – Groupes – Vues – Paysages – Agrandissements – Reproductions – Emails – Miniatures – Collection des vues du Morbihan ».

Cette « Collection des vues du Morbihan » qui nous intéresse ici, débute en même temps que sa carrière de portraitiste. La première carte souvenir que nous connaissons est une vue des remparts de Vannes, numérotée 12/13. Si un client demande le n° 12 il a un tirage au format CDV, et au format CAB avec le n° 13.

Les mégalithes n’ont pas été sa priorité. En effet, le premier cliché présentant un monument de la préhistoire récente, en l’occurrence le dolmen dit “Table des Marchands” à Locmariaquer, porte les n° 1312/1313.

On dénombre au moins deux campagnes de prise de vue de monuments mégalithiques, la première en 1877 (cliché n°1565), l’autre après 1888 (dolmen de Kergavat, sans n° de cliché)

Son cliché N°1565 semble pouvoir être daté vers 1877 et intéresse tout particulièrement l’histoire de l’archéologie à Carnac. Ce cliché montre les fouilles (les seules n’ayant jamais eu lieu) de la partie Nord-Ouest des Alignements de Kermario par James Miln en 1877. Ce sont les seules n’ayant jamais eu lieu dans ce secteur. Le personnage au premier plan, trahit par son vêtement, semble être Écossais, mais ce n’est pas James Miln. Peut-être s’agit-il de son frère Robert ?

Quant au personnage que l’on devine au fond, près d’une tranchée de fouille, il pourrait s’agir de Louis Cappé, le contremaître carnacois de Miln qui officiait sur le terrain pour le compte de l’antiquaire écossais, ce dernier n’ayant jamais manié la pioche et la pelle de sa vie (6).

Le cliché N°1570 est certainement pris le même jour au même endroit. On y retrouve Louis Cappé posant assis et adossé à une stèle de Kermario. A l’arrière plan à droite, un tas de cailloux témoigne probablement d’une tranchée de fouille invisible sur le cliché.

Alexandre Laroche s’intéresse également aux dolmens de Rondossec à Plouharnel, où furent découverts en 1849 deux bracelets en or, témoignant d’une réoccupation campaniforme du monument à la fin du 3ème millénaire av. e.c.

Sur les clichés de la série de 1888, il se met en scène, portant la blouse des paysans de la région, alors qu’il est un pur citadin (voir en tête d’article, le cliché le montrant assis au pied de la stèle de Kerderff à Carnac).

Le choix des monuments qu’il photographie n’est pas innocent. Si les dolmens de Rondossec sont les plus proches de la gare de Plouharnel ouverte en 1882, le dolmen de Kergavat est devenu, quant à lui, un monument emblématique des mégalithes du secteur, puisque racheté par l’état et protégé au titre des Monuments Historiques, c’est le premier monument du genre que croisent les touristes qui se rendent à Carnac depuis cette même gare.

-3- Personnages

Ses premières photos touristiques, avant 1883, sont peu animées. On y croise très peu de personnages, et si c’est le cas, il sont minuscules. Après 1888, il se met volontiers en scène.

-4- Parutions

Nous n’avons pas trouvé de parution de ses clichés dans des livres ou dans la presse.

-5- Cartes postales

Ses clichés ne semblent pas avoir été tiré en carte postale.

Philippe Le Port (Cyrille Chaigneau collab.) pour Les Vaisseaux de Pierres


Catalogue des clichés Laroche représentant des monuments mégalithiques

  • 1312 CDV : Locmariaquer – Dolmen dit La Table des Marchands
  • 1313 CAB : Idem 1312, Locmariaquer – Dolmen dit La Table des Marchands
  • 1533 CAB : Mention manuscrite « Croix sur le mont St michel à Carnac »
  • 1547 CDV : Carnac – Alignement de Kermario, premiers rangs
  • 1554 CDV : Carnac – Alignement de Kermario
  • 1559 CDV : Mention manuscrite « Carnac, Alignement de Kermario »
  • 1560 CAB : Idem 1559, Carnac – Alignement de kermario
  • 1565 CAB : Carnac – Alignement de Kermario. Cliché pris sans doute au moment des fouilles de James Miln en 1877 ; le personnage au premier plan peut-être, sans aucune certitude, Robert Miln, frère de J. Miln ; celui au dernier plan, est probablement Louis Cappé, contremaître de J. Miln.
  • 1570 CAB : Mention manuscrite « Carnac, Alignement de Kermario ». Cliché réalisé sans doute au moment des fouilles de James Miln en 1877. Le personnage adossé au menhir est probablement Louis Cappé, le contremaitre de J. Miln.
  • 1600 X CAB : Sans n° de Cliché. Mention manuscrite : « Carnac géant du Ménec ».
  • 1602 CDV : Carnac – Alignement du Ménec et stèle 2054
  • 1603 X CAB : Sans n° de Cliché. Carnac – Alignement du Ménec et stèle 2054, cliché même point de vue que 1602 mais angle plus large.
  • 1623 CDV : n° de cliché incertain, car autre tirage CDV identique indiqué 1607 (mention manuscrite)
  • 1624 X CAB : Idem 1623. Sans n° de cliché. Mention manuscrite « Carnac, alignements de Kermario »
  • 1702 CDV : Plouharnel – Dolmen de Crucuno
  • 1703 CAB : Idem 1702. Plouharnel – Dolmen de Crucuno
  • 1708 CAB : Plouharnel – Dolmen de Rondossec. Mention manuscrite « grotte des fées 1ère allée / Carnac. ». Dos sans médaille.
  • 1712 CDV : Plouharnel – Dolmen de Rondossec 2ème allée.
  • 1713 CAB : Plouharnel – Dolmen de Rondossec. Mention manuscrite « grotte des fées 2ème allée / Carnac. ». Dos sans médaille.
  • XXXX CAB 1 : Sans n° de cliché, dos vierge. Carnac – Menhir de Kerderf
  • XXXX CAB 2 : Sans n° de cliché, dos imprimé. mention manuscrite : “Dolmen de kergavat / Carnac“ (en fait sur la commune de Plouharnel). Cliché réalisé après 1888 puisque qu’on voit de la borne “propriété de l’état”, et avant 1892, puisque que le dos ne montre pas la médaille
  • XXXX CAB 3 : Sans n° de cliché, dos vierge. Carnac – Alignements de Kermario.


Webographie et notes


(1) http://www.musimem.com/Laroche_Mythee.htm.
(2) voir : https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/photographes-et-megalithes-1-casimir-ferdinand-carlier-1829-1893-photographe-datelier-et-photographe-des-megalithes/
(3) Musicien hautement impliqué dans les affaires de la ville de Vannes, outre son activité commerciale de distributeur et réparateur d’instruments de musique de toutes familles (Aux Bardes & Sonneurs de Bretagne) Lucien Laroche fut directeur de l’Athénée Musical (société lyrique), directeur de l’ensemble philharmonique, président des Sauveteurs bretons, président-fondateur des amis de Vannes, président de la société des Régates, administrateur et membre fondateur de la Compagnie vannetaise de navigation, membre fondateur du syndicat d’initiative, fondateur en 1908 et directeur du Conservatoire de Vannes.
(4) Sources : Hervé Lestang. http://www.portraitsepia.fr/photographes/decker/ dont nous le remercions.
(5) Avis d’obsèques publié dans l’hebdomadaire “L’avenir du Morbihan” du 5 février 1938.
(6) Sur Louis Cappé, voir : https://ams.hypotheses.org/1474
(7) le “format cabinet” (CAB) désigne une épreuve photographique tirée sur papier sensible d’une dimension de 10 × 15 cm en moyenne, présentée et contrecollée sur carton fort. Les dimensions de la carte en elle-même sont de 10,8 × 16,5 cm. Elle peut être imprimée des deux côtés (signature du studio, mention publicitaire, date, etc.).
(8) le portrait “carte-de-visite” (CDV), désigne un format de photographie qui apparaît en France en 1854. Le tirage sur papier de la photographie est de faible dimension, soit 5,2 cm sur 8,7 cm : il est ensuite contrecollé sur un carton qui adopte le format d’une carte de visite en usage dès cette époque, soit 6,2 cm sur 10,3 cm.

Pour citer cet article : Le Port P., 2023. Photographe d’atelier et photographe des mégalithes (2). Alexandre Laroche (1850-1938). In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 5 mai 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …

Cet article a 2 commentaires

  1. Anonyme

    Incroyable s et précieuses ces photos ! Font elles partie d’un fond publique ou d’une collection particulière ?

  2. Les vaisseaux de pierres

    En l’occurrence, l’ensemble des clichés présentés ici proviennent de collections particulières, mais certaines photos de Laroche sont conservées dans des fonds publics, entre autres, les Archives départementales du Morbihan). Bien cordialement.

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