Photographe d’atelier et photographe des mégalithes (1). Casimir Ferdinand Carlier (1829-1893).

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Il semble que Ferdinand CARLIER soit le premier photographe installé en Bretagne à prendre Carnac et ses monuments mégalithiques en photo et à les éditer. Nous lui connaissons une quinzaine de clichés sur ce thème, pris entre 1855 et 1865.

Seules les œuvres de deux photographes professionnels de passage peuvent être datées plus précisément et précéder celles de Carlier. Les 2 clichés stéréoscopiques de Turnes et Fournier sont pris en 1857 et édités en 1858. Les 6 beaux clichés stéréoscopiques pris par Henry D. Taylor sont pris en 1858 et édités en 1859.

1- Quelques éléments biographiques

« Casimir Ferdinand Carlier est né le 9 août 1829 à Versailles (Yvelines) et mort à Paris le 1er septembre 1893. Son père, Théodore Carlier (1802-1839) professeur de littérature, était un correspondant de Sainte-Beuve. On ignore comment le jeune Carlier s’est orienté vers la photographie. (…) Il y sera actif dès le milieu des années 1850 et durant les années 1860 ».

Sa carrière débute à Vannes (Morbihan) dans un atelier situé 16, place Napoléon, puis, à une date ultérieure, au 23 de la même place. « En août 1858, Napoléon III et l’Impératrice se rendent en Bretagne pour une visite officielle. Le 15 août, jour de la fête mariale, ils assistent à une messe à Sainte-Anne d’Auray (Morbihan). Carlier signe plusieurs épreuves qui seront reprises pour illustrer le reportage de “L’Illustration” sur le voyage du couple impérial (N°808, du 21 Aout 1858) ».

« Vers 1869, Carlier quitte la Bretagne et s’installe à Paris. Il va travailler successivement 43 rue Saint-Paul (1869) ; 5 passage Saint-Louis (1871) ; 113 rue du Cherche Midi puis 170-172 rue Saint-Antoine où il succède à Émilien Hirschler. Il achève sa carrière parisienne au 9 rue de Bagneux. Ferdinand Carlier se présentait comme photographe des Monuments historiques et de l’École des Beaux-Arts. Il est membre de la Société française de photographie de 1859 à 1864 et, en 1860, devient photographe de l’École des Beaux-Arts de Paris. Il a été fait officier d’académie le 12 juillet 1886 ». (1)

Il décède à Paris le 1er septembre 1893 à l’âge de 64 ans et est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris (2).

2 – Le portraitiste

A Vannes, il réalise dans son studio des portraits de grande qualité. Les personnages sont assis ou debout mais pris en pied, dans une grande variété de décors (fauteuils, cheminées, balustres, paysages peints en arrière-plan). Leur attitude est semblable à celle qu’on trouve dans les portraits de peintre de l’époque et une grande attention est apportée à leur tenue. Les robes des femmes par exemple ont toujours un tombé impeccable.

Ayant une haute opinion de son métier de photographe, il qualifie son travail de « photographie-photosculpture”. Il tire ses clichés en format CDV (3) car le format CAB (4) ne se généralise que dans les années 1880. Pour les portraits, il indique systématiquement sur le dos les adresses de son studio, à Vannes puis à Paris.

Carlier est représentant, du “Panthéon de l’ordre impérial de la Légion d’honneur pour le département du Morbihan”. « Créé sur l’idée d’un photographe Parisien, Auguste Davons, cette organisation nomme dans chaque département, un photographe qui a l’exclusivité de réaliser les portraits des Français entrés dans l’ordre de la Légion d’honneur, pour en faire une publication nationale. Ernest Lacan s’en fait l’écho dans “Le Moniteur de la Photographie” du 15 décembre 1861 » (1).

3 – Les photographies souvenir touristique

A côté de cette activité de portrait, il développe rapidement une activité de photographies touristiques. On trouve des tirages d’Auray ou de Vannes qui portent au dos l’adresse du 16 place Napoléon. Son activité de prise de vue touristique s’étend à la Bretagne d’une manière opportuniste mais sans systématisme (Quimperlé, Dinan, etc.).

Lors de cette période vannetaise, entre 1855 et 1869, il édite des clichés de mégalithes du pays d’Auray aux cadrages variés et précis : alignements et Tumulus Saint-Michel à Carnac, dolmens de Rondossec et de Crucuno à Plouharnel, dolmen dit la Table des Marchands à Locmariaquer. Certains clichés ont été doublés : cadrage ou position des personnages très légèrement différents, apparition d’un nouveau personnage. En tout on compte 12 clichés vraiment différents.

Les 5 vues des alignements de Carnac mettent en scène trois amis posant gaiement au milieu des menhirs. Parmi eux, une femme en robe bouffante porte une ombrelle alors que les hommes sont en veste et gilet, l’un porte un chapeau melon, l’autre un canotier. Ce dernier pourrait bien être Ferdinand Carlier lui même. Si les vêtements ont bien changé depuis 1860, les menhirs sont eux indémodables !

Carlier nous offre cette belle vue du tumulus Saint-Michel à Carnac, que d’autres photographes contemporains ne prendront pas la peine de photographier. Au sommet ouest du monument, on remarque les murs déjà ruinés du sémaphore Depillon construit en 1806.

Il n’oublie pas non plus un monument emblématique : la Table des Marchands à Locmariaquer. Malheureusement, il ne sait pas donner à la table de couverture cette impression d’apesanteur que lui confère quelques clichés plus tardifs. Sans doute, la végétation dense que l’on observe sur cette vue en est responsable.

Il édite également des vues de Carnac peu courantes du fait de leur ancienneté : le portail nord de l’église paroissiale Saint-Cornély, sans muret ni grille sur les côtés (détails que l’on retrouve sur les vues les plus anciennes, par exemple chez Furne & Tournier ou chez Taylor).

Format CDV. Dos vierge (collection particulière)

Carlier nous offre par ailleurs cette vue impressionnante du bourg de Carnac prise depuis le sommet du tumulus Saint-Michel. Le presbytère construit en 1877 n’y apparaît pas encore.

Les tirages les plus anciens de Carnac / Locmariaquer / Plouharnel, portent au dos l’adresse du 23 place Napoléon à Vannes. Mais, comme pour les autres cartes de paysage, nombreux sont les tirages où seul figure le nom du photographe. Ces dos sans adresse, avec une signature qui se modernise au fil du temps, montrent qu’il continue, après son départ pour Paris, à vendre localement ses cartes touristiques. Une étiquette « librairie papeterie / Cauderan / Vannes » sur un dos de carte semble indiquer l’un de ses dépositaires. A contrario il diffuse sur Paris ses clichés de monuments mégalithiques, comme l’atteste une vue de Kermario collée sur un carton de son studio parisien à l’adresse de la rue Saint-Paul.

CDV avec signature moderne « Carlier » et étiquette de la librairie papeterie Cauderan à Vannes. Photo au recto de la basilique Sainte Anne d’Auray. (Collection particulière)

Les tirages n’étant pas numérotés il est donc difficile de les classer chronologiquement. Tout juste peut-on supposer qu’un cliché tiré sur un dos ancien est plus ancien que celui collé sur un dos portant une signature moderne.

4 – Parutions

Un de ses clichés du dolmen de Rondossec à Plouharnel sera utilisé pour tirer une gravure dans un livre édité en 1886. Si le graveur a eu son autorisation, il n’a pas pris la peine de le créditer, ni sur la gravure, ni dans le corps du livre.

5 – Cartes postales

Alexandre Carlier meurt en 1893 bien avant le succès de la carte postale dont les plus anciennes connues pour le Morbihan datent de 1898. Ses clichés touristiques ne seront donc jamais édités en carte postales.

6 – Personnages

Pour finir cet article, nous vous proposons quelques zooms sur les personnages… juste pour le plaisir.

Catalogue des clichés Carlier représentant des monuments mégalithiques

Philippe Le Port pour Les Vaisseaux de Pierres


Webographie

(1) Source Hervé Lestang. https://www.portraitsepia.fr/ que nous remercions.
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_Carlier

Notes

(2) le portrait “carte-de-visite” (CDV), désigne un format de photographie qui apparaît en France en 1854. Le tirage sur papier de la photographie est de faible dimension, soit 5,2 cm sur 8,7 cm : il est ensuite contrecollé sur un carton qui adopte le format d’une carte de visite en usage dès cette époque, soit 6,2 cm sur 10,3 cm.
(3) le “format cabinet” (CAB) désigne une épreuve photographique tirée sur papier sensible d’une dimension de 10 × 15 cm en moyenne, présentée et contrecollée sur carton fort. Les dimensions de la carte en elle-même sont de 10,8 × 16,5 cm. Elle peut être imprimée des deux côtés (signature du studio, mention publicitaire, date, etc.).

Pour citer cet article : Le Port P., 2023. Photographe d’atelier et photographe des mégalithes (1). Casimir Ferdinand Carlier (1829-1893). In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 2 mai 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …

Cette publication a un commentaire

  1. Anne

    Merci pour ces images uniques !

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