La Réunion : des pierres de (sinistre) mémoire

  • Dernière modification de la publication :18 novembre 2023
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20 décembre 1848 : Abolition de l’esclavage à La Réunion. Six mois après la publication du décret d’abolition de l’esclavage par le gouvernement de la République française, le commissaire général de la République Joseph Napoléon Sébastien Sarda, dit Sarda-Garriga, arrive à la Réunion avec ledit décret et le titre de gouverneur. Sitôt débarqué à Saint-Denis, le 19 octobre, il promulgue le décret d’abolition avec effet le 20 décembre 1848.

En souvenir de cette décision, le 20 décembre est aujourd’hui férié et chômé sur l’île de La Réunion. C’est la Fête des Cafres (d’après le nom donné aux anciens esclaves africains) ou la Fête de la Liberté

Pourquoi en parler à bord des Vaisseaux de Pierres ? Voici le Mémorial aux Esclaves de la Réunion qui se trouve à Saint-Denis, sur l’esplanade de la Trinité.

Sept pierres gravées dans des langues liées à l’histoire réunionnaise, signalent ce mémorial, inauguré en 1998 pour le 150ème anniversaire de l’abolition. Il a été conçu et réalisé par le sculpteur réunionnais Eric Pongérard avec la contribution de l’écrivain Pierre-Louis Rivière pour le texte Esclaves de La Réunion :

« DEVENAÎTRE HEMMNE. ALLER, ALLIÉS. ÉCROULER LE TREMBLETROUBLE. MORMUR. MÉMORTE DE L’ÎLE EXAILÉE ET L’AMER. BONRBONS SUÂCRÉS, ESCLAVOLÉS. ENCAMP D’ENCHAÎN ABOYLI. S’ÉFFALCENT LES ROUTES, LES LARMES MÊME. HORIGÊNE. HONTÉTUE. JE CARESSE LA ROCHECRÂNE HENTÉE, SANS PEUR. AUX PEAUPIERRES, ÉCLOSENT LES ÉVOULÛTTES ENLUMINHUMAINES. MUEZ ! MUEZ ! ERREBOIS, ARBRES MARCHERRANTS. RÊVIVRE, ANDRIHONOUR, HUMAMHOUREUX DE LA DIVOÎLE MORGABELLE »

Si on regarde ces stèles selon un axe orienté vers la ville de Saint-Denis, on observe, dressée telle une proue, une belle pierre écrite en créole. Elle voisine avec l’Afrique et Madagascar puis à distance plus ou moins proche l’Asie et l’Europe. La pierre la plus reculée étant celle écrite en français. Plus loin, le Mémorial prend son assise dans une déclivité en arc de cercle portant ces mots gravés sur un mur incliné : « A la mémoire des esclaves réunionnais 20 décembre 1848 / 20 décembre 1998 ».

Cyrille Chaigneau pour Les Vaisseaux de Pierres

PS : Pour la petite histoire, Sarda-Garriga est enterré au Mesnil-sur-l’Estrée, un petit village normand de l’Eure. Un autre mémorial en granit, nettement moins original, accueil chaque 20 décembre un pèlerinage-hommage aux Réunionais.