Un outil de la “forge gauloise de la nation” : les défilés de la mi-carême

Avez-vous déjà entendu parler de dolmens et menhirs à roulettes. Ne riez pas ! C’est très sérieux.

Quand on s’intéresse aux imaginaires, il faut en connaître les sources, le contexte de création, mais aussi les supports et les moyens de diffusion. Or, on peut légitimement se poser la question de savoir pourquoi et comment l’image du dolmen perçu comme monument druidique s’est immiscée et s’est ancrée aussi profondément dans nos imaginaires collectifs.

Cette image, issue du Romantisme, s’est affirmée et affinée tout au long du 19ème siècle pour devenir un des piliers du roman national de la 3ème République. Elle fut largement diffusée par la gravure, la presse populaire illustrée puis par les manuels scolaires. Mais dans une France rurale et ouvrière encore largement illettrée jusqu’au moins la Première Guerre Mondiale, ces seuls supports ne peuvent expliquer l’ampleur du phénomène. Il fallut d’autres vecteurs.

On l’a aujourd’hui un peu oublié, mais les fêtes les plus populaires du 19ème siècle et de la première moitié du 20ème siècle furent les carnavals de la Mi-Carême qui donnaient l’occasion, jusque dans les villages les plus reculés, à des cavalcades historiées et festives. A cette occasion, un certain nombre de chars à thème (historique, religieux, folkloriques, etc.), préparés de longue date, bariolés et fleuris, portant figurants en costumes, étaient tirés à travers la ville ou le village par des chevaux ou des bœufs, pour le plus grand plaisir des spectateurs.

Carnaval : une histoire longue et complexe

L’histoire du Carnaval remonte à l’Antiquité. Pour fêter Dyonisos et Saturne aux premiers jours du printemps, on laissait au peuple la possibilité d‘inverser l’ordre social habituel. Par ailleurs, on célébrait, pendant Les Lupercales romaines qui accompagnaient le début d’une nouvelle année, l’intrusion du monde sauvage dans le monde civilisé. Le désordre s’imposait dans les règles en usage.

Aux temps médiévaux, le carnaval désigne la période qui précède l’entrée en Carême pour les Chrétiens. De l’Épiphanie jusqu’au Mardi gras, veille du Mercredi des Cendres, il était de coutume de faire ripaille. Masques et déguisements étaient de la fête. Riches ou pauvres, puissants ou misérables pouvaient chanter, danser dans les rues, s’adonner aux libations. La transgression des règles était amplifiée par ces travestissements qui dissimulaient les identités. À l’occasion de la “Fête des Fous”, les manants revêtaient des habits de riches et inversement, on pouvait même danser dans les églises, dire la messe à l’envers ou célébrer la Messe des Ânes. Ce défoulement collectif prévenait les révoltes et contenait les tensions sociales. Dans l’ensemble des pays catholiques d’Europe, considérés plus permissifs, le carnaval se répandit avec faste jusque dans les classes les plus huppées de la société.

Communément, Carnaval était le plus souvent symbolisé par un mannequin rempli de paille condamné au cours d’une parodie de jugement. On lui reprochait tous les maux de l’année passée : maladies, calamités agricoles, guerres… mais aussi, on lui faisait porter les défauts des uns et des autres : paresse, malhonnêteté, débauche… La sentence était sans appel : les flammes d’un bûcher. Les esprits maléfiques, pensait-on, seraient ainsi éliminés avant l’arrivée du printemps. Le premier dimanche de Carême se nommait : dimanche des brandons. Des torches brandies par toute la population des villages faisaient la chasse aux rongeurs et insectes. Le feu, c’était aussi l’image des jours qui s’allongent.

Pour les Chrétiens, le Carême correspond aux quarante jours que le Christ passa dans le désert. Selon les règles établies par l’Église, il était interdit de consommer de la viande, des graisses et sucreries dès le lendemain du Mardi-Gras jusqu’à Pâques, bref, un jeûne sévère atténué et aménagé par le Concile Vatican II. Le Carnaval est donc l’antithèse du Carême. Cependant, après vingt jours de privations, les catholiques pouvaient autrefois relâcher leur effort au cours d’une journée moins stricte. C’est l’origine de la Mi-Carême.

Avec la 3ème République, le carnaval devient laïque, moral et patriotique.

1882 : L’avènement de l’école obligatoire participe à la nécessité d’éduquer les jeunes Français au respect de l’idéal républicain, de la morale et de la laïcité. Après la défaite française de 1870 et la perte de l’Alsace et de la Lorraine, le sentiment de revanche (voire de vengeance) est entretenu sourdement jusque dans les écoles où la discipline militaire est enseignée, quitte à manier des fusils en bois.

Considérant l’encadrement de la jeunesse comme un devoir d’état, des clubs, sociétés, comités anticipent la Loi de 1901 sur les associations. Parmi leurs objectifs : l’épanouissement de la jeunesse par le sport, la musique, le théâtre et l’organisation de défilés à la fois gymniques, festifs, patriotiques et pédagogiques qui excluent les abus considérés licencieux des carnavals. Des chars, souvent ornés de branchages et fleuris, tirés par des chevaux (cavalcades) ou des bœufs, charrettes décorées, participants grimés, défilent au début du printemps derrière les premiers orphéons, musiques municipales et fanfares créés dans la même période.

Les enfants y ont une place privilégiée. Pour se démarquer des processions religieuses au moment de la Fête-Dieu ou de la Semaine Sainte, mais aussi des carnavals caricaturaux, les sujets retenus évoquent principalement l’Histoire de France avec ses grands personnages et ses moments les plus brillants. Il s’agit d’exalter l’unité nationale teintée de nationalisme. L’armée elle-même est partie prenante de ces fêtes nouvelles.

Et c’est ainsi qu’on invente le dolmen à roulettes !!!

Nombre de documents, dont les cartes postales anciennes, nous apportent un témoignage étonnant et insoupçonné, à savoir qu’un certain nombre des chars qui défilaient à l’occasion de la Mi-Carême offraient à voir Gaulois, druides et druidesses, brandis par la 3ème République comme les pères fondateurs de la nation, dans des décors de dolmens et menhirs, compris alors comme des monuments celtiques, des monuments druidiques.

Si ces chars défilaient principalement lors des fêtes de la mi-carême, on en trouve aussi de sortie à l’occasion de telle ou telle fête historique, souvent à fort caractère identitaire (en Bretagne tout particulièrement).

Nous vous proposons ici l’ensemble de la documentation que nous avons pu rassembler à ce sujet partout en France, pour vous convaincre que le phénomène est loin d’être anecdotique. Si la plupart de ces clichés datent des années 1910, le phénomène se prolonge après la Première Guerre Mondiale et jusqu’à aujourd’hui, de manière plus anecdotique et édulcorée… Astérix est passé par là ! Nous avons fait le choix de vous présenter ces documents chronologiquement. Bien évidemment, il doit exister d’autres témoignages du phénomène. Cet article est donc amené à évoluer grâce à vos apports et contributions qui seront les bienvenus. N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires ou à nous écrire sur la page contact. Nous vous remercions par avance.


Brunette, 1881. Souvenir des Galeries Rémoises / Char de Druides. Carte postales d’illustrateur publicitaire. Lithographie A. Savoye, Reims, 1881.

Le 5 juin 1881, a lieu à Reims une Grande Cavalcade de la Bienfaisance, dont le thème est : Reims à travers les âges. Une série de chromos pédagogiques réalisés par un certain Brunette et lithographiés par la société A. Savoye, illustre ce défilé. Un char tiré par quatre bœufs, reprenant l’iconographie des manuels scolaires de la 3ème République, porte des druides ou autres bardes entre dolmen et chêne sacré . Nous sommes ici au cœur de la “forge gauloise de la nation”, pour reprendre la belle formule de l’historien Étienne Bourdon.


Scène de Carnaval – défilé de chars décorés (avant 1898).
Photographie : positif, épreuve découpée selon une forme ovale. Aristotype (épreuve au citrate). 7 x 10 cm. Musée d’Orsay (n° PHO 1987 20 112)

Entre 1889 et 1910 Henri Lemoine (1848–1924) réalisa de nombreux instantanés de Paris au moment de l’Exposition Universelle de 1900. Cette vue fut prise au plus tard en 1897, date à laquelle fut détruit le Palais de l’Industrie Française ; ce afin d’édifier à sa place les bâtiments de l’Exposition Universelle de 1900. Dans l’état actuel du dossier, nous ne savons pas à quel évènement la rattacher.

Galerie des Machines, Palais de l’industrie, Paris (entre 1889 et 1910). Photographie : positif. Aristotype (épreuve au citrate). Au revers de l’épreuve, en bas et au milieu, inscrit au crayon noir : “Galerie des Machines”. 7,5 x 10 cm.

Ces cartes postales de la cavalcade du 4 août 1907 à Clisson (Loire-Atlantique), montre l’engouement populaire pour ces défilés, engouement partagé par la bourgeoisie locale, qui participe au financement des chars.


4138 CAMBRAI – Marche historique / Char des Druides (septembre 1907 ?).- Editeur : J.D.V.

Marche historique dans les rues de Cambrai (Nord), probablement en septembre 1907, si l’on en croit les cachets postaux lisibles sur les cartes postales publiée par l’éditeur J.D.V. pour immortaliser l’évènement. Menhirs et grandes moustaches… Obélix n’aurait pas été dépaysé !


Mi-Carême 1908 / Char de la Bretagne. Carte postale. Editions ELD, 1908

Lors du défilé de la Mi-Carême de Paris, en 1908, le Char de la Bretagne présente un tableau à la fois synthétique et allégorique de la province, entre marin pêcheurs et druides juchés sur un dolmen. C’est la Bretagne pittoresque qui est ici mise en avant.


Nolay (Côte-d’Or) – Grande Cavalcade, 8 juin 1908 / Char des Chanteurs Bretons. Carte postale. Rimet-Bazin édit.

A Nolay (Côte-d’Or), c’est encore le pittoresque et le folklore breton qui est mis à l’honneur à l’occasion de la grande cavalcade du 8 juin 1908. Il serait intéressant d’identifier le groupe de chanteurs et danseurs bretons présent ce jour là en Bourgogne.


ANGERS – Mi-carême 1908 / Char des druides. Carte postale. Éditeur inconnu

Angers (Maine-et-Loire) – 1908 – Mi-carême – Char des druides


Saint-Nicolas-du-Pélem (Côtes-d’Armor), le 6 juin 1909.


Ernée (Mayenne) / Fête du 11 juillet 1909 / Char des Druides. Carte postale. Editeur : Grand Bazar (Ernée)

Ernée (Mayenne) – Fête du 11 juillet 1909.


CHOLET – Mi Carême 1910 / Cartège de la Reine d’un Jour / La Cueillette du Gui (3ème prix). Carte postale. Georges Bibard, éditeur, Cholet

Mars 1910, c’est la 5ème Mi-Carême de Cholet depuis que le Comité des Fêtes est permanent, et c’est la 3ème année que des reines y sont élues. Le photographe choletais Georges Bibard, édite toute une série de cartes postales pour immortaliser le Cortège de la Reine d’un Jour, dont celle du char intitulé La Cueillette du Gui qui remporte le 3ème prix.

Mais les archives nous apprennent que lors du défilé du 8 mars 1897, un char connu un certain succès : La Pierre à Vinaigre, traînée par des bœufs et des chevaux, cette pierre était l’évocation du menhir qui fut transporté de la Ferme de la Garde à la Place du Mail, au pied du rempart du château.

Outre l’année 1931 évoquée plus loin, le défilé de 1936 présenta un char intitulé Le Menhir du Mail.


Le 31 juillet 1910, la ville de Nantes (Loire-Atlantique), capitale de la Bretagne historique, accueille une grande Cavalcade Historique dont le thème est La Bretagne à travers les âges. Bien évidemment cette histoire en forme de roman national breton commence par un char présentant des druides juchés sur la table d’un dolmen du plus bel effet. Pas de tromperie sur la marchandise… l’affiche annonçaient un évènement “héroïque, fantastique et mystique”… le cahier des charges fut parfaitement respecté !


Sur le modèle nantais, on croise plusieurs cavalcades historiques, dont celle de Maule (Yvelines), le 11 mai 1911.


Char des Gaulois – Monument druidique. Carte postale

A Tourves (Var), ce sont 14 chars qui défilèrent dans les rues de ce village varois en 1911 pour les fêtes de la Mi-Carême… dont ce Char des Gaulois, arborant fièrement un monument druidique.


Port-Louis. Cavalcade du 11 août 1911 / Le dolmen et la chasse. Carte postale. Collection H. Laurant, Port-Louis (collection particulière)

A Port-Louis (Morbihan), une cavalcade se déroule dans les rues le 11 août 1911. On y montre un char décoré d’un dolmen, mais ici, pas de distanciation historique, pas de druide ou de Gaulois, le monument est associé à des enfants et jeunes femmes en habit traditionnel. Le dolmen est un élément pittoresque et constitutif de l’identitaire breton, mis au régime minceur !!!


A Eygurande (Corrèze), lors de la fête du comice agricole, le 1er septembre 1912, défile un char présentant un couple de Gaulois Arvernes, dont un guerrier, au pied d’un fac-similé du dolmen de Peyro-Coupeliero ou Pierre Coupelière, dit aussi Pierre des Fées, situé au lieu-dit Le Chevatel sur la territoire de la commune de Lamazière-Haute (19). C’est ici un monument emblématique du patrimoine local qui est mobilisé au moment où en Auvergne la figure de Vercingétorix, père de la nation, est valorisée par la 3ème République.


Dans un fort élan patriotique, la ville de Denain (Nord), célèbre par de grandes fêtes le second centenaire de la victoire remportée par les troupes françaises conduites par Claude Louis Hector de Villars sur les Impériaux le 24 juillet 1712, épisode décisif qui marque la fin de la Guerre de Succession d’Espagne et permet à la France de conserver les bénéfices territoriaux du règne de Louis XIV. Un char nous montre des “Druidesses” juchées sur un dolmen.


Mi-carême – Paris 1913.- / Cortège du Bouillon Kub / Le dolmen.- Berger Breton. Carte postale d’illustrateur. Publicité Mahut, Etabts Herold – Levallois-Perret, 1913

Dans certains cas, un char était sponsorisé par un commerçant du bourg ou un industriel régional ou national, transformant l’évènement en parade commerciale. La Caravane du Tour de France cycliste en est un lointain écho.

A la Mi-Carême 1913, la société du Bouillon Kub, profite du défilé du carnaval de Paris pour organiser un cortège de chars immortalisé par des cartes postales illustrées en couleur. Le journal La Lanterne écrit à ce propos le 1er mars 1913 : « La Société du Bouillon Kub, placée immédiatement derrière le char de la Reine des Reines, présente cette année, aux Parisiens, de nombreux chars figurant des monuments bretons ou des scènes bretonnes. Au son de deux excellentes musiques, le cortège défile, précédé de trente trompettes à cheval. (…) Voilà le Dolmen avec berger breton, la Tour de Dinan avec la Duchesse Anne, le Départ du Pêcheur, le Retour du Marin, la Noce bretonne, etc., le tout escorté de Bretons et Bretonnes en costumes du pays. (…) C’est un beau succès pour le Bouillon Kub. »

Les chars-réclame ou voitures-réclame étaient des chars publicitaires qui défilaient jadis sur la voie publique pour vanter les mérites d’un produit ou d’un établissement. Si la pratique disparaît en France pendant l’entre-deux-guerres (la seule survivance étant la caravane publicitaire du Tour de France !), cette pratique naît dès le 19ème siècle, heurtant la sensibilité de beaucoup. Les autorités chercheront à empêcher cette pratique sans succès.

Louis Pracy écrit dans La Semaine des familles, le 31 janvier 1891 (page 703, 2e colonne) : « Dans tous les cas, quelle que soit la décision prise, il y en a une que nombre de Parisiens désireraient voir appliquée (dans le cortège de la Promenade du Bœuf Gras au Carnaval de Paris), c’est qu’aucune voiture-réclame ne soit admise dans le cortège. Sans doute les commerçants qui font promener ces jours-là sur les boulevards des véhicules bizarres, d’où jaillissent des feux d’artifice de prospectus, déguisent tant qu’ils peuvent ce que l’annonce a de brutal en elle-même. Mais le soin même qu’ils mettent à la masquer ne rend que plus vive la déception : on croit voir défiler des chars romains ou des carrosses Louis XIV, et c’est le café Chose ou le cirage Machin qui sollicite l’attention : c’est insupportable. »

Les « instructions générales » de la préfecture de police de Paris, pour la police municipale, lors de la Promenade du Bœuf Gras 1896 donnent entre autres instructions : « Ne pas laisser les chars réclame se joindre à la cavalcade ». Comme on le voit, la publicité fut la plus forte.


Rennes – Souvenir de la Fête des Fleurs / Place du Palais – Défilé du Cortège / Trompettes d’Artillerie et char des Druides. Carte postale. Rennes, E. Mary-Rousselière, édit, 1913.

La Fête des Fleurs était une fête annuelle traditionnelle à Rennes (Ille-et-Vilaine), fête que l’on rencontre dans d’autres grandes villes ou villages français. Il s’agissait principalement d’un défilé de chars faisant grand usage de fleurs quel que soit ce qu’ils représentaient et dans la conception desquels rivalisaient les habitants de la ville. Ces défilés attiraient une foule nombreuse. Remontant au 19ème siècle, la Fête des Fleurs de Rennes s’interrompit pendant la Seconde Guerre Mondiale, pour mieux reprendre après la guerre avant de disparaître à la fin des années 50 du 20ème siècle. Au fond, on devine le Char des Druides qui défile sur la place du Parlement de Bretagne.


SAINT-GERMAIN-LE-Gme – Fête 1913 – “Char druidique”

Devant cette image, on se plaît à imaginer Gosciny et Uderzo assistant à cette cavalcade dans les rues du petit village de Saint-Germain-le-Guillaume (Mayenne). Ce fier Gaulois, n’est t-il pas un véritable prototype de notre Astérix national ? Remarquons que l’éditeur reste pour le moins dubitatif face à cette proposition… les guillemets encadrant le “char druidique” lui permettent de douter de la crédibilité de la proposition.


Fougères – Fêtes des Fleurs 1921 – Cérémonie druidique à l’île de Sein. Carte postale. A. Lamiré, Editeur, Rennes.

Fête des Fleurs à Fougères (Ille-et-Vilaine) en 1921… Et le thème de ce char est Cérémonie druidique à l’île de Sein


Nantes (Loire-Atlantique). Nous sommes en 1924… Les choses ont déjà changé… On convoque maintenant les légendes bretonnes pour décorer d’un menhir un des chars nantais du défilé de la Mi-Carême.


Larmor (Morbihan) – Fête des chars de Larmor. Ccarte postale datée du 30 décembre 1926 (collection particulière)

Contrairement à ce qu’indique la mention manuscrite, nous ne sommes pas ici à Larmor-Baden, mais probablement du côté de Lorient. Le correspondant termine sa lettre en indiquant : “PS. Ma voiture montée en “Table des Marchands” de Locmariaquer. 2ème prix. Fête des chars de Larmor“. Il s’agit de ici d’une voiture décorée pour la Cavalcade de Ploemeur-Larmor en 1926. Merci à Claude Le Colleter pour son aide précieuse.


Ce n’est pas mince affaire de hisser les pierres de ce monument, d’un poids totale de 999.999 kilos [une tonne, ndlr] sur une plate-forme

Cholet (Maine-et-Loire). Dans une forte affirmation identitaire (ici les soldats de la Grande Armée Catholique et Royale de Vendée sont identifiés aux Chouans bretons !), les Choletais évoquent, à l’occasion de la mi-carême 1931, la guerre civile qui ravage la Vendée pendant la Révolution Française, manière de chasser (ou peut-être de raviver ?) les démons de ce passé qui hantent toujours les souvenirs et les imaginaires.


La Gauloise, de Bagneux (s.d.). Carte postale. Société Lumière (Archives municipales de la ville de Saumur)

Dans les années 1930, à côté de Saumur (Maine-et-Loire), était organisé, chaque année, au mois de mai, une fête dite l’Assemblée de Bagneux, sorte de kermesse avec fanfare et défilé de chars et se finissant toujours par « feu d’artifice avec embrasement du dolmen ». Ainsi le dimanche 8 septembre 1935, une « cavalcade, organisée par des jeunes gens très audacieux, partira du Vieux-Bagneux : chars fleuris, char du Dolmen avec Gaulois au casque ailé ». Ce Char du Dolmen consistait à une reproduction miniature du dolmen de Bagneux destinée à être embrasé. Le rédacteur de l’article paru la veille dans l’Écho du Saumurois et présentant le programme de la fête écrit : « Ce n’est pas mince affaire de hisser les pierres de ce monument, d’un poids totale de 999.999 kilos [une tonne, ndlr] sur une plate-forme » (Merci à Nicolas Charmet pour ces informations dont nous le remercions).


Fête des moissons, Reignier 8 août 1937 / 2) La moisson ancienne ! Le casse-croûte sous la Pierre-aux-Fées. Carte postale. ACJF éditeur, Maison du Peuple – Annecy

Bien plus bucolique est cette évocation des moissons à l’ancienne au pied d’un des monuments emblématique du patrimoine de la commune de Reigner (Haute-Savoie).


Maussion (Roger), 1947.- Carnaval 1947. Film N & B 9,5 mm court métrage (12’00”) documentaire, muet. Cinémathèque de Bretagne (n° 10409)

En 1947, le cinéaste amateur Roger Maussion film le défilé du carnaval de Nantes. A plusieurs reprise dans le film on découvre non pas un char, mais un groupe de “grosses têtes”, autant de menhirs et dolmen rieurs déambulant dans le cortège au son du biniou, en particulier à 0’40” lors de la répétition générale du défilé. Nos menhirs et dolmen semblent particulièrement amuser le cinéaste puisque qu’on les voit à plusieurs reprises défiler, une première fois sous une pluie diluvienne, puis encore pour clôturer le film à 4’18”.

Pour accéder au portail de la cinémathèque de Bretagne : https://www.cinematheque-bretagne.bzh/base-documentaire-carnaval-1947-426-10409-0-1.html?ref=151acb19e57324b920c4f993734fa267


Martin (Louis), 1952. Mi-carême de Nantes – Fête des fleurs à Combourg – Fête du J.A.C. Rennes. Film N & B 9,5 mm court métrage (durée 19’04”) documentaire, muet. Cinémathèque de Bretagne (n° 17735)

Avenue Janvier à Rennes (Ille-et-Vilaine, Bretagne), Louis Martin, cinéaste amateur filme le 23 mai 1954 un défilé de chars décorés à l’occasion du 25ème anniversaire de la J.A.C. (Jeunesses Agricoles Chrétiennes)… A 15’49”, un char tiré par un tracteur agricole porte deux couples en costume traditionnel breton dansant au son du biniou et de la bombarde sous un dolmen en carton pâte.

Pour accéder au portail de la cinémathèque de Bretagne : https://www.cinematheque-bretagne.bzh/base-documentaire-mi-car%C3%AAme-de-nantes-f%C3%AAte-des-fleurs-%C3%A0-combourg-f%C3%AAte-du-j.a.c.-rennes-426-17735-0-2.html?ref=b4b0a9c0ace50c54e811543cab460f8f


Lemerle (Eugène), 1959-1961. Fête des fleurs à Savenay 1959/61. Film couleur 16 mm court métrage (durée 28’25”) documentaire, muet. Cinémathèque de Bretagne (n° 25361)

Eugène Lermerle, film avec sa caméra 16 mm la Fête des Fleurs de Savenay (Loire-Atlantique), le 5 juillet 1959. Il recommencera en 1960 et 1961. Il en résulte un court métrage documentaire en couleur et muet de 28’25 secondes aujourd’hui conservé à la Cinémathèque de Bretagne. A 27’32, on découvre un char tiré par un tracteur agricole, présentant un trilithe et un menhir au pied desquels sont assises de jeunes filles en costume traditionnel breton.

Pour accéder au portail de la cinémathèque de Bretagne : https://www.cinematheque-bretagne.bzh/base-documentaire-f%C3%AAte-des-fleurs-%C3%A0-savenay-195961-426-25361-0-7.html?ref=adfe7213e63353524a75a559ac4a0a15


Carnac (Morbihan)… Il aurait surprenant que dans la capitale du mégalithisme, nous ne trouvions pas de char portant menhirs et dolmens.

Organisé pour la première fois en 1908 à Carnac le “Pardon des Menhirs” n’avait rien de religieux. Pour preuve il deviendra avec le temps la “Fête des Menhirs”. L’instigateur et animateur de cette fête ne fut autre que Zacharie Le Rouzic (1864-1939), archéologue et homme politique républicain, figure locale incontournable.

La journée débutait le matin par un match de football suivi le midi d’un banquet, l’après-midi c’est la kermesse bretonne avec des courses cyclistes, un tournoi de lutte bretonne, un concours de costume et de biniou. La journée se terminait, le soir, par une fête vénitienne et un feu d’artifice sur le tumulus Saint-Michel.

Lancée après la 2ème Guerre Mondiale dans le prolongement du Pardon des Menhirs, la Fête des Menhirs, laisse encore des souvenirs dans les esprits des Carnacois. Plus d’une vingtaine de groupes de Bagadous et de Cercle Celtiques venus de toute la Bretagne y participaient dans les années 60 : deux défilés – côté bourg, côté plage -, un spectacle sur l’îlot des Salines, un triomphe des sonneurs ; une retraite aux flambeaux vers les menhirs clôturait cette grande journée présidée par la Reine des Menhirs. Quelques photographies des années 50-60 gardent le souvenir du défilé, un des temps forts de la manifestation carnacoise.


Anonyme. Mi-carême, Nantes (1973). Film N&B et Coul 16 mm long métrage (durée 1h34’10”) documentaire avec musique d’accompagnement

Un autre film anonyme, réalisé par la société Paris Photo (rue d’Orléans, Nantes) et conservé dans les collections de la Cinémathèque de Bretagne, restitue l’ambiance et le déroulement des festivités du Carnaval de la Mi-Carême à Nantes en 1973, de l’élection des Reines de la Mi Carême présentée par Thierry Le Luron, au défilé dans les rues de Nantes en passant par la fabrication des chars dans le hangar des carnavaliers à Doulon.

A 58’29, on découvre un char baptisé “Menhirs et dolmens”, sur lequel joue un couple de sonneurs accompagnés de quatre bretonnes en costume traditionnel et surtout un dolmen et 5 menhirs chapeautés et hilares, le tout tiré par un tracteur agricole.

Pour accéder au portail de la cinémathèque de Bretagne : https://www.cinematheque-bretagne.bzh/base-documentaire-mi-car%C3%AAme-nantes-426-10397-0-5.html?ref=adfe7213e63353524a75a559ac4a0a15


La Guerche-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine). Un magnifique char des druides, dont le dolmen évoque de toute évidence La Roche aux Fées à Essé (Ille-et-Vilaine) à l’occasion d’une fête indéterminée vers 1910.


Un char des druides, avec un menhir de bon aloi… Lieu indéterminé.


Nous sommes ici très probablement dans les années 1950, quelque part dans la Région Parisienne. Raymon (La Photomécanique) était un éditeur de cartes postales installé 17 avenue des Marronniers à Brunoy (Essonne). Le groupe ici photographié est très vraisemblablement un des Cercles celtiques animé par la diaspora bretonne, nombreuse à et autour de Paris.


Menton. Fête des citrons


Plouharnel (Morbihan, Bretagne). En 2011, l’association Plouharnel Fleuri, créait pour le défilé du carnaval du village un char permettant de retrouver les personnages de la célèbre bande dessinée de Goscinny et Uderzo, avec notamment Raymond Thoumelin dans la peau du druide Panoramix et André Le Lamer dans celle de Jules César ! C’est Jean-Pierre Bricout qui fera Obélix et son chien Elfe incarnera Idéfix. Et le journaliste du Télégramme (édition du 13 avril 2011) de conclure que « La potion magique devrait donner des forces à la joyeuse bande pour tenir toute la journée ». Si cet exemple montre la survivance et les prolongements du phénomène, force est de constater qu’il est devenu anecdotique et très édulcoré. En 2011, il faut maintenant passer par la BD pour remonter au dolmen !


Cyrille CHAIGNEAU et Philippe LE PORT pour Les Vaisseaux de Pierres,
avec l’aide de Nicolas CHARMET (dont nous le remercions)

Bibliographie :

– Bourdon E., 2017. – La forge gauloise de la nation. Ernest Lavisse et la fabrique des ancêtres. Lyon, ENS Editions, 2017. 290 p. (EAN : 9782847888942)

Pour citer cet article : Chaigneau C., Le Port P., 2023. Un outil de la “forge gauloise” de la nation : les cavalcades de la mi-carême. In : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 6 février 2023.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …

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