Alix… l’autre héros gaulois de la bande dessinée franco-belge.

Le 4 septembre 2024, sort l’album de bande dessinée Alix Senator. 15. Le Cercles des Géants, dessiné par Thierry Démarez sur un scénario de Valérie Mangin et Jacques Martin, mis en couleur par Jean-Jacques Chagnaud, le 63ème opus de cette série crée par Jacques Martin en 1948.

L’argument ? : “Dernière étape avant l’Atlantide ! Rome, an 9 avant J.-C. L’empereur Auguste est tout-puissant. Alix a plus de 50 ans. Il est sénateur. Bien décidés à rejoindre la mystérieuse Atlantide dans le grand nord, Alix et les siens se rendent dans un village d’Armorique pour y faire construire un navire capable de résister aux conditions océaniques extrêmes. Mais leur venue exacerbe le conflit latent qui mine la communauté. Les tenants de la tradition religieuse qui interdit les voyages au loin veulent désormais en finir avec les partisans de l’exploration du monde… avec eux, et avec leur allié, le sénateur.”

Rarement, une aventure d’Alix n’a profité d’une ambiance aussi mégalithique, puisque, outre la magnifique couverture, 62 cases de cet album mettent en scènes les personnages dans un décor de pierres dressées ou de tombes à couloir. C’est d’autant plus remarquable que la présence de monuments mégalithiques est très rare dans les premières aventures du (plus très) jeune héros gaulois.

Et quelle entrée en matière ! La première case s’inspire très précisément de l’intérieur du dolmen de Gavrinis à Larmor-Baden dans le Morbihan alors que les quatre premières pages s’organisent autour d’une étrange cérémonie auprès de pierres levées, sorte de synthèse entre Er Lannic et Stonehenge. Page 5, Alix et ses compagnons arrivent en Armorique, sur les traces de la mystérieuse Atlantide… Ce nouvel ouvrage de stèles évoque l’ensemble de Calanais ou Callanish situé sur la côte ouest de l’île de Lewis, dans les Hébrides, en Écosse. Décidément, on voyage avec Alix !

En plus de l’édition normale des Cercles des géants, les lecteurs pourront découvrir une édition premium avec une variation sur la couverture et un cahier supplémentaire historique sur les mégalithes bretons (mais pas que). C’est Valérie Mangin qui a rédigé les textes illustrés, entre autres, de croquis de Thierry Démarez4.

Naissance d’un héros gaulois

Le personnage d’Alix, apparu pour la première fois dans les pages du journal Tintin à la fin de l’été 1948, occupe une place à part dans le panthéon de la bande dessinée franco-belge. Contemporain d’Astérix, ce jeune Gaulois blondinet est quant à lui intégré à la société romaine de Jules César. Le créateur du personnage, Jacques Martin, féru d’histoire antique, avait choisi, au contraire de Goscinny et Uderzo, de lui donner une apparence de réalité dans ses scénarii comme dans ses dessins.

Alix est un jeune Gaulois, capturé et réduit en esclavage à la mort de son père, le chef Astorix, mercenaire de Rome. Il est vendu par un officier romain à des marchands phéniciens. Esclaves des Parthes à Khorsabad, il est libéré, recueilli et adopté par le riche Romain Honorus Galla Gracchus, gouverneur de Rhodes. qui le fait citoyen romain. Esclave affranchi, aventureux, fidèle en amitié, d’un courage exemplaire, tiraillé entre son origine gauloise et son adoption romaine, Alix est un modèle d’intégration. S’il respecte les lois et les valeurs romaines, il se distingue cependant des autres Romains par ses cheveux blonds et par sa tolérance, son absence de préjugés et sa compassion envers les étrangers de Rome, souvent esclaves, dont il prend régulièrement la défense, s’attirant la foudre des notables romains.

Il devient l’agent de César dès le Sphinx d’or, puis plus encore son homme de confiance. Il croise alors de grands personnages historiques tels que Pompée, Octave/Auguste, Livie, Cléopâtre ou Vercingétorix. Vingt ans plus tard, sous le règne d’Auguste, Alix devient sénateur romain. Notre héros, doté d’un sens de la justice et de la droiture qui ne fléchit jamais au fil de ses aventures, doit toutefois s’adapter à un monde changeant et complexe, où les frontières du bien et du mal tendent parfois à se brouiller. On peut dater sa naissance vers 68 av. e.c. Il est polyglotte : il parle le gaulois, le grec, le latin, le phénicien et même le langage des loups.

C’est dans l’album Le Sphinx d’or, qu’il rencontre Enak, jeune garçon d’origine égyptienne, orphelin comme lui est peu bavard. Il devait à l’origine ne faire qu’une petite apparition et disparaître définitivement, mais les lecteurs de Tintin par des lettres de protestations en décidèrent autrement. Les deux héros ne se quitteront plus, formant un binôme inséparable qui partage dès lors ses aventures dans tout l’Empire romain jusqu’en Afrique, se rendant même au-delà de ses frontières, par exemple en Mésopotamie ou en Chine. Cela permet à Jacques Martin de proposer une vaste fresque à l’échelle du monde antique. Petit à petit, le personnage d’Enak, d’abord timoré et émotif, s’affirme et devient plus actif. C’est aussi un excellent archer. Les deux amis dénouent les intrigues les plus tragiques dans un univers où le raffinement des arts se mêle à la fureur des batailles et à l’âpreté des complots. On apprendra dans Le Prince du Nil qu’Enak serait le prétendant légitime du trône d’Égypte.

Jacques Martin, une œuvre foisonnante

Son créateur, Jacques Martin, joue un rôle déterminant au sein du journal, ainsi que des studios Hergé, où il participe à la conception de plusieurs albums de Tintin. D’abord sous l’influence formelle des deux grandes figures tutélaires des studios, Hergé et E.-P. Jacobs, Martin va progressivement s’en détacher, aussi bien sur un plan stylistique que dans son propos, pour mieux creuser une voie singulière dans la bande dessinée de l’après-guerre. Les années qui accompagnent l’âge d’or de la série sont en effet marquées par la peur de la bombe atomique, les guerres de décolonisation, l’affrontement entre les blocs communistes et occidentaux, les multiples révoltes de la jeunesse… Autant de soubresauts qui se retrouvent, indirectement ou non, dans les histoires d’Alix, bien plus que dans celles de Tintin ou de Blake et Mortimer, par exemple.

L’idéalisme contrarié du jeune Romain, son impuissance de plus en plus appuyée, sa maturité grandissante au fil des albums, en font un héros d’une extraordinaire modernité. Le détour par l’Antiquité permet également à Jacques Martin d’offrir au lecteur un univers qui oscille entre réalisme scrupuleux et fantasme assumé. La très grande rigueur historique de l’auteur, inédite alors dans le champ de la bande dessinée, cohabite avec des anachronismes qui ne sont pas le seul fait de sources encore incomplètes au début de la série. Car Martin « invente » aussi une Antiquité qui répond à ses propres obsessions, et qui est toujours au service des intrigues qu’il conçoit.

Né à Strasbourg en 1921, Jacques Martin découvre très tôt la bande dessinée. Sa passion pour le dessin naît en même temps qu’un goût immodéré pour l’Histoire. S’il désirait entrer aux Beaux-Arts, dans l’optique de faire du dessin un métier, sa mère et ses tuteurs officiels (son père aviateur décède alors qu’il n’a que 11 ans) l’orientent d’autorité vers les Arts et Métiers, où il reçoit un enseignement purement technique. Cette première formation n’est sûrement pas étrangère à la rigueur obstinée dont Jacques Martin a fait preuve tout au long de son œuvre et qui a probablement contribué à en faire l’un des trois principaux représentants de l’école dite « de Bruxelles », les deux autres étant Hergé et Jacobs.

La critique a légitimement rapproché le travail de ces trois auteurs qui, en plus de s’être beaucoup fréquentés et d’avoir collaboré en maintes occasions, partagent un idéal artistique fait de réalisme, de probité et de minutie. Une demi-génération sépare Jacques Martin de ses 2 aînés. Il ne commence à publier qu’à partir de 1946, dans l’hebdomadaire Bravo. Durant les trois années qui suivent, il multiplie les collaborations éphémères avec des publications bruxelloises et wallonnes conjuguant l’art de la bande dessinée et celui de l’illustration.

Dès 1946, Jacques Martin conçoit un projet de journal pour jeunes qu’il baptise Jaky. Malheureusement le numéro un de l’hebdomadaire Tintin est sur le point de sortir, réunissant une impressionnante brochette de grands auteurs. Jaky échoue au fond d’un tiroir. Tout en poursuivant ses collaborations à Bravo et à Story, Jacques Martin pose sa candidature au Journal de Tintin. C’est en 1948, qu’il crée le personnage d’Alix, le proposant aussitôt à Raymond Leblanc, futur directeur du Journal de Tintin. Alix l’intrépide paraît en feuilleton dans le “journal des 7 à 77 ans”, à partir du 16 septembre 1948. En 1950, Jacques Martin engage à ses côtés un jeune assistant (pour le lettrage et le coloriage), Roger Leloup, qui deviendra lui-même un auteur de bandes dessinées, en créant le personnage de Yoko Tsuno. Par la suite, c’est au tour de Michel Demarets de venir les rejoindre. Les trois premières aventures du jeune héros romain se succèdent à un rythme soutenu, sans aucune interruption. Après Alix l’intrépide, Le Sphinx d’Or et l’Ile maudite font la joie des lecteurs.

Mais à l’issue du troisième titre de la série, Jacques Martin délaisse provisoirement Alix pour s’attacher à une intrigue résolument contemporaine mettant en scène un reporter. Face aux insistances de son éditeur de l’époque, Jacques Martin transpose Alix et Enak dans le vingtième siècle, ce qui donne le tandem Lefranc-Jeanjean. A partir de la publication de La Grande menace (1953), les récits d’Alix et de Lefranc paraissent en alternance.

En 1953, Hergé propose à Jacques Martin de collaborer à ses studios. Refusant d’abandonner ses deux assistants, Jacques Martin est intégré avec Leloup et Demarets dans l’équipe du père de Tintin. La participation de Jacques Martin dure dix-neuf années pendant lesquelles il travaille sur plusieurs histoires de Tintin avec entre autres Bob de Moor, sans pour autant abandonner Alix et Lefranc puisque ceux-ci connaissent respectivement sept et trois aventures nouvelles. Au cours de la décennie suivante, celle qui suit la séparation avec les studios, Jacques Martin crée à une cadence supérieure, publiant neuf titres dans la série Alix (du Prince du Nil à L’Empereur de Chine) et quatre dans celle de Lefranc, et en créant deux nouvelles séries Jhen et Arno. Entre-temps, Jacques Martin a changé d’éditeur. C’est ainsi qu’Alix et Lefranc passent chez Casterman avant d’être rejoints par Jhen.

En 1984, Jacques Martin reçoit l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettres, en ouverture d’une exposition consacrée à Alix, à la Chapelle de la Sorbonne. En 1986, les éditions Casterman restituent la version originale de la première aventure d’Alix, Alix l’intrépide, en grand format, pour célébrer les quarante ans de bande dessinée. L’année suivante, paraît un autre album géant intitulé L’Odyssée d’Alix. En mars 1989, Le Cheval de Troie s’est vu décerner une BD d’or au premier Salon Européen de la Bande Dessinée de Grenoble.

Parallèlement, l’auteur crée de nouvelles collections avec un personnage évoluant dans la Grèce antique. Ainsi sera publiée aux éditions Orix la collection Les voyages d’Orion. Un autre personnage verra aussi le jour : Kéos, dessiné par Jean Pleyers, dans les albums Osiris (Bagheera 1992) et Cobra (Helyode 1993). Chez l’éditeur Glénat, Jacques Martin a poursuivi avec le dessinateur Jacques Denoël la série Arno qu’il avait créé dans les années 80 avec André Juillard.

En 1999, Kéos intègre le catalogue Casterman. À cette occasion les deux premiers albums sont réédités et Le veau d’or, dessiné en 1994, publié pour la première fois. A l’âge de 82 ans, Jacques Martin inaugure une nouvelle série Loïs, mise en images par Olivier Pâques. « Sans doute aurais-je entrepris cette nouvelle aventure plus tôt, avoue Jacques Martin, mais nul n’ignore les problèmes oculaires qui ont mis un terme à mes activités de dessinateur. Il m’a donc fallu un certain temps, non seulement pour gérer cette nouvelle situation affectant mes séries existantes, mais encore pour trouver le collaborateur idéal à lancer sur une série pour laquelle il n’existait pas de références dans mon œuvre. ».

Le 21 janvier 2010, Jacques Martin s’éteint à Orbe en Suisse. Il est enterré en Belgique, dans le cimetière de l’église Notre-Dame-de-Bon-Secours à Céroux (Ottignies-Louvain-la-Neuve).

L’art de Jacques Martin

Si le récit d’aventure est au cœur de l’œuvre de Jacques Martin, il ne peut cacher la dimension esthétique de son travail, notamment le perspectivisme qui permit à l’auteur de renouveler la narration graphique en bande dessinée. Outre son rapport l’Histoire, la série voit aussi ses aspérités mises en lumière, à l’image des corps que l’auteur représente entre fascination plastique et sexualisation grandissante au fils des albums, ou encore, l’inquiétante étrangeté, mêlée de fantastique et de science-fiction à rebours, qui baigne certains titres de la série.

Nombre de commentateurs et historiens de la bande dessinée ont souligné l’homosexualité un peu plus que latente dont est saturée l’atmosphère des aventures d’Alix, cet homoérotisme passant notamment par le dessin du corps des hommes, souvent peu vêtu dans la mesure où l’époque et le climat le permettaient. Il est accentué par le faible nombre de femmes apparaissant dans la série, et l’absence de relations amoureuses dépeintes ouvertement, initialement en raison du cadre moral et idéologique dans lequel était né et devait se tenir Alix dans la Belgique de l’après-guerre.

Quand on lui posait la question, Jacques Martin s’en amusait : “Je ne m’analyse pas.”, précisant qu’il avait simplement voulu montrer le monde romain “tel qu’il était” et encore de façon “édulcorée” selon lui, justement à cause des lois de protection de l’enfance. Mais il est pour lui évident que l’homosexualité faisait partie des mœurs admises et connues de l’époque romaine.

Souvent interrogé à ce sujet, il a toujours laissé le débat ouvert : « À la réflexion, il y a tout lieu de penser et de constater que certains groupes homosexuels se sont emparés d’Alix et d’Enak comme des images emblématiques malgré le fait qu’ils n’aient pas du tout été créés pour cela. Ainsi donc, je pense que cette situation est irréversible parce que beaucoup d’homosexuels ont besoin de figures de proue et qu’ils s’identifient à ce duo libre, fier et esthétiquement réussi ». « C’est au lecteur de réagir selon sa sensibilité parce qu’Alix et Enak sont à mon sens, des archétypes du monde antique. Toutefois dans les images de mes albums, il n’y a aucune vignette provocatrice et rien n’indique qu’ils aient des rapports intimes. Mais, il est évident que je ne peux empêcher certain lecteur d’imaginer, d’affabuler ou même de fantasmer sur ces deux personnages car j’en conviens ils peuvent prêter à toutes sortes d’interprétation ».

Alix et les mégalithes

En dehors du menhir – poteau d’exécution du Sphinx d’or qui trône fièrement en couverture du n° 49 du journal Tintin (8 décembre 1949), force est de constater que Jacques Martin, soucieux d’exactitude et chassant toute forme d’anachronismes de son œuvre, ne dessine pas de monuments mégalithiques dans les albums qui se passent en Gaule ou dans le Nord de l’Europe. Rien dans Les Légions perdues, Iorix le Grand , Vercingétorix, Les Barbares ou Les Helvètes.

C’est à partir du moment où l’auteur cède petit à petit la main à d’autres auteurs et scénaristes, plus perméables aux imaginaires celtoîdes contemporains, que menhirs et dolmens apparaissent dans les albums tels que La Cité engloutie et Britannia, pour bientôt prendre une place de premiers plan dans les derniers opus de la série Alix Senator, qui s’ouvrent quant à eux aux influences New Age en vogue.

Alix – 2 – Le Sphinx d’or (1949-1950)

Envoyé par César en Égypte pour percer le secret de la mystérieuse organisation du “Sphinx d’Or” dont la puissance s’étend jusqu’à Rome, Alix découvre que le chef de celle-ci se cache dans un temple du Haut-Nil appelé Efaoud. Il semble être en possession d’une grande fortune et dispose d’une arme terrible… inconnue des Romains. C’est à l’occasion de cette mission qu’Alix fera la connaissance d’Enak, qui deviendra le compagnon fidèle de la plupart de ses aventures.

Alix nous transporte de la Gaule à l’Egypte des Ptolémée afin de démasquer l’identité d’un mystérieux personnage qui menace le pouvoir de César.

Alix – 8 – Le Tombeau étrusque (1968)

Dormant à la belle étoile, Alix, Enak et le jeune Octave, neveu de Jules César, sont soudain alertés par des cavaliers masqués qui attaquent une grosse exploitation campagnarde. Ligoté à un poteau pour être livré aux flammes du dieu Baal-Moloch, un enfant est sauvé par leur intervention. C’est Brutus qui conspire avec le préfet de Tarquini. Ils ont recréé une société secrète d’adeptes de Baal, dieu sanglant qui demande feu et sang. Alix et ses compagnons, en route vers Rome pour conter à César leurs suspicions, sont suivis et pris en chasse par les cavaliers rouges.

Jacques Martin nous offre un travail remarquable quant aux dessins des tombes étrusques de Tarquini (Toscane). Les ombres, la lumière, les couleurs, tout y est. Le scénario nous ramène à la secte de Moloch (L’Ile maudite) et à l amitié d Alix pour Lydia, la sœur d’Octave.

Alix – 28 – La Cité engloutie (2009)

Des légionnaires ont mystérieusement disparu dans les profondes forêts d’Armorique. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour Rome. Si les Celtes, en effet, n’ont pas réussi à vaincre par les armes leurs adversaires romains, ils ont choisi de poursuivre la lutte par le biais des croyances. Grande est la puissance de leur religion, de leurs dieux, et surtout de leurs druides, dépositaires d’un savoir très élaboré où la pharmacopée occupe une place centrale. En dépit des superstitions attachées à la religion des peuples celtes, et aux pouvoirs magiques que l’on prête aux druides, Alix part sur les traces des soldats disparus.

Mais, ce faisant, c’est aussi à sa propre histoire que le jeune homme est bientôt confronté. Quelles seront les réactions d’un fils de Gaule adopté par la Louve romaine face à ce qui ressemble à un complot des ennemis de César ? Comment mener à bien pareille mission en terre d’Armorique lorsqu’on est, comme Alix, le produit complexe de deux cultures aussi dissemblables ? Pour Alix commence une aventure difficile, éprouvante. Dans une ambiance baignée de mystère, c’est bientôt le choc frontal entre les fils de la “civilisation” et ceux de la “forêt”. La tension monte, jusqu’à l’affrontement final au milieu des éléments déchaînés.

Alix – 33 – Britannia

Remarqué pour son interprétation très fidèle d’Alix dans La Dernière conquête, Marc Jailloux reprend ses pinceaux pour une nouvelle aventure. Alix et Enak rejoignent le proconsul Jules César à Port Itius dans l’extrême nord de la Gaule, où ils découvrent un gigantesque camp militaire ainsi qu’une armada de bateaux armés, tout prêt à appareiller. Sept légions et des centaines de navires s’apprêtent à traverser la Mare Britanicum (la Manche) pour débarquer en force sur l’île de Britannia toute proche. César entend ainsi parachever ses succès militaires…

Alix – 39 – Le Dieu sans nom (2020)

Envoyé par César chez les Sarmates, dans les steppes de l’Oural, afin de sécuriser les positions romaines à l’est, Alix va faire la rencontre du roi sarmate Eunonès. César veut s’assurer de la neutralité du roi de cette tribu nomade. Arrivé dans les steppes, celui-ci sera capturé par les Androphages, une armée de chasseurs du nord ayant pour cheffe la géante Personne. Au sein de cette peuplade, Enak et Alix vont découvrir les adorateurs du Dieu sans nom, et notre héros sera emmené par leur cheffe au bord du monde afin d’y trouver un cheval

Alix Senator – 10 – La forêt carnivore (2020)

Répondant à l’invitation de son cousin, Alix est de retour en Gaule. Vanik, devenu gouverneur, veut faire renaître la splendeur perdue d’Alésia. Non loin de l’ancien oppidum d’étranges créatures se terrent. Ils sont les vétérans mutilés de l’armée maudite de Vercingétorix. Les ombres torturées du passé s’étendent sur le présent. Pris au piège de la forêt gauloise et de ses créatures, Alix devra faire face à la haine et aux rancœurs tenaces.

Inventant sa propre dramaturgie mais n’hésitant pas à se raccrocher à celle de Jacques Martin et sa série originelle, Valérie Mangin s’attaque ici à du lourd : une suite, indépendante, au diptyque que constituaient Les légions perdues et Vercingétorix. Quelques décennies plus tard si Alix a grandi et est meurtri, il va vite s’apercevoir que la plaie béante laissée par César en – 52 est tenace et purulente. La veuve de Vercingétorix serait à la tête d’une armée de bras cassés, de mains coupées (geste violent d’un César qui voulait marquer à vif leur défaite et leur soumission) qui hurleraient à la Lune leur volonté de vengeance.

Alix Senator – 12 – Le Disque d’Osiris (2021)

Dans la cité sacrée d’Abydos, une lueur tranche dans l’obscurité, Enak vient d’ouvrir une boîte contenant les ossements de son fils. Soudain, il est assommé. De mystérieux prêtres sont présents à son réveil. Ils promettent à Enak un remède au mal qui le ronge. En échange, il devra retrouver la cité des Atlantes, ces hommes légendaires au savoir immense. Rejoint par Alix et Tefnout, ils se lancent dans la quête de la mythique Atlantide. Ensemble, ils devront remonter jusqu’aux sources du Nil pour trouver les portes de la cité engloutie.

La série “Alix”

Alix est d’abord paru en feuilleton dans le journal Tintin, à partir du n° 38 du 16 septembre 1948. Trois autres aventures ont paru avant d’être reprises en album cartonné aux éditions du Lombard, qui continuera comme éditeur jusqu’au cinquième album en 1959 (La Griffe noire). L’association avec Tintin s’est terminée avec Vercingétorix en 1985. Depuis, les titres paraissent uniquement en album. La maison Casterman a repris la série en 1966 avec le sixième album.

De 1948 à 1988 (de Alix l’intrépide à Le Cheval de Troie), Jacques Martin assure seul les scénarios et le dessin de la série.

De 1998 à 2005, Rafael Morales dessine la série en collaboration avec Marc Henniquiau, tandis que Jacques Martin continue à préparer les scénarios, le découpage et la mise en place. Une seconde équipe voit le jour en 2004, avec la mise en chantier d’un nouvel album, dessiné par Cédric Hervan, qui cèdera bientôt sa place à Christophe Simon. Depuis l’album C’était à Khorsabad (2006), Jacques Martin arrête de faire les découpages et les esquisses de chaque planche comme il en avait l’habitude jusque-là, malgré son âge et ses problèmes de vue. Dès lors il se contente d’écrire des synopsis (résumés assez courts mais complets de l’intrigue) et confie à un scénariste la mise en pages. Après François Maingoval, c’est au tour de Patrick Weber d’assumer cette tâche pour L’Ibère ( l’album n° 26 sortie en novembre 2007) avec Christophe Simon pour les dessins. Parallèlement à l’équipe formée avec Christophe Simon, Patrick Weber constitue un deuxième binôme avec le dessinateur belge Ferry pour réaliser La Cité engloutie, le 28ème épisode de la série.

  • 20 Ô Alexandrie (1996) : Jacques Martin (scénario) / Jacques Martin, Rafael Morales, Marc Henniquiau (dessin)
  • 21 Les Barbares (1998) : Jacques Martin (scénario) / Rafael Morales, Marc Henniquiau (dessin)
  • 22 La Chute d’Icare (2001) : Jacques Martin (scénario) / Rafael Morales, Marc Henniquiau (dessin)
  • 23 Le Fleuve de jade (2003) : Jacques Martin (scénario) / Rafael Morales, Marc Henniquiau (dessin)
  • 24 Roma, Roma… (2005) : Jacques Martin (scénario) / Rafael Morales, Marc Henniquiau (dessin)
  • 25 C’était à Khorsabad (2006) : Jacques Martin, François Maingoval (scénario) / Cédric Hervan, Christophe Simon (dessin)
  • 26 L’Ibère (2007) : Jacques Martin, François Maingoval, Patrick Weber (scénario) / Christophe Simon (dessin)
  • 27 Le Démon du Pharos (2008) : Jacques Martin, Patrick Weber (scénario) / Christophe Simon (dessin)
  • 28 La Cité engloutie (2009) : Jacques Martin, Patrick Weber (scénario) / Ferry (dessin)

Ayant formé autour de lui une équipe de jeunes dessinateurs, Jacques Martin a eu pour souci de leur faire poursuivre, après sa mort, les séries qu’il a créées. C’est ainsi que les aventures d’Alix sont depuis 2010 pensés et réalisés par d’autres auteurs et scénaristes, d’abord Marco Venanzi qui écrit et scénarise le 29ème opus sorti en octobre 2010…

  • 29 Le Testament de César (2010) : Marco Venanzi (scénario et dessin)
  • 30 La Conjuration de Baal (2011) : Michel Lafon (scénario) / Christophe Simon (dessin)
  • 31 L’Ombre de Sarapis (2012) : François Corteggiani (scénario) / Marco Venanzi, Mathieu Barthélémy, Véronique Robin (dessin)
  • 32 La Dernière Conquête (2013) : Géraldine Ranouil (scénario) / Marc Jailloux, Corinne Billon (dessin)
  • 33 Britannia (2014) : Mathieu Breda (scénario) / Marc Jailloux (dessin)
  • 34 Par-delà le Styx (2015) :Mathieu Breda (scénario) / Marc Jailloux (dessin)
  • 35 L’Or de Saturne (2016) : Pierre Valmour (scénario) / Marco Venanzi (dessin)
  • 36 Le Serment du gladiateur (2017) : Mathieu Breda (scénario) / Marc Jailloux (dessin)
  • 37 Veni Vidi Vici (2018) : David B. (scénario) / Giorgio Albertini (dessin)
  • 38 Les Helvètes (2019) : Mathieu Bréda (scénario) / Marc Jailloux (dessin)
  • 39 Le Dieu sans nom (2020) : David B. (scénario) / Giorgio Albertini (dessin)
  • 40 L’Œil du Minotaure (2021) : Valérie Mangin (scénario) / Chrys Millien (dessin)
  • 41 La Reine des Amazones (2023) : Valérie Mangin (scénario) / Chrys Millien (dessin)
  • 42 Le bouclier d’Achille (2023) : Roger Seiter (scénario) / Marc Jailloux (dessin)

La série “Alix Senator

Le 12 septembre 2012 sort le premier tome d’Alix Senator intitulé Les Aigles de sang, écrit par Valérie Mangin et dessiné par Thierry Démarez, d’après le personnage créé par Jacques Martin. L’histoire d’Alix Senator se déroule lorsque Auguste est nommé empereur, soit plus d’une vingtaine d’années après les aventures d’Alix. Alix est devenu sénateur et vit à Rome avec son fils Titus et Khephren, le fils d’Enak (ce dernier étant apparemment mort en Égypte dans des circonstances encore inconnues, à la suite des décès de Cléopâtre et Marc-Antoine). Le meurtre sauvage de son ami Agrippa (beau-frère d’Auguste) par un aigle aux serres d’or le sort de sa retraite d’aventurier. Il est alors chargé par Auguste de mener discrètement l’enquête ; rapidement, les initiatives de ses fils font progresser l’enquête.

La série “Les voyages d’Alix”

Cette série d’albums illustrés, crée par Jacques Martin et poursuivie après la mort de celui-ci par d’autres dessinateurs, retrace la géographie et l’histoire de l’Antiquité avec des illustrations inspirées des aventures d’Alix. Ces ouvrages sont surtout des ouvrages de documentation, le but étant de découvrir l’Antiquité sous un crayon semblable à celui de Jacques Martin, de représenter des sites antiques tels qu’ils étaient à l’époque.

La série “Alix Origines

En février 2019 paraît le premier volume d’Alix Origines : L’Enfance d’un Gaulois, sur la jeunesse du personnage. Le scénario est signé Marc Bourgne et Laurent Libessart assure le dessin et les couleurs.

La décision de créer une série explorant l’enfance d’Alix revient à Benoît Mouchart, directeur éditorial bande dessinée des Éditions Casterman, qui souhaitait ainsi renouveler le lectorat et attirer un public jeune qui ne lisait plus Alix. Pour ce faire, il sollicite son ami Marc Bourgne, grand admirateur d’Alix, lequel propose de confier le dessin à Laurent Libessart, qui avait déjà dessiné une série se déroulant dans la Gaule antique (Le Casque d’Agris). Le dessinateur s’éloigne graphiquement de Jacques Martin pour trouver un style plus inspiré du manga, tout en insistant sur l’exactitude historique du récit et des dessins. Cette série, éloignée du style “ligne claire”, reçoit un accueil globalement négatif.

Marc Bourgne imagine quel aurait pu être le passé d’Alix avant qu’on ne le découvre jeune esclave dans la cité assyrienne de Khorsabad dans Alix l’intrépide, le premier album de la série-mère, à partir des quelques éléments donnés par Jacques Martin dans les albums Alix l’intrépide, Le Sphinx d’or, Iorix le grand et C’était à Khorsabad. Le premier tome se situe en 61 av. e.c., soit 8 ans avant Alix l’intrépide et présente le jeune Alix, fils d’Astorix, chef du peuple gaulois des Éduens, dont il est destiné à suivre les traces, qui va devoir déjouer un complot qui menace sa famille.

La série “Alix raconte”

Il ne s’agit pas ici de la série créée par Jacques Martin, lequel n’intervient pas dans l’élaboration de ces albums. Ces trois titres, tous sortis en 2008, présentent la biographie romancée d’un personnage clé de l’Antiquité. Quand l’époque l’autorise, Alix est d’ailleurs présent en tant que personnage secondaire. Le scénario des trois premiers albums est de François Maingoval.

Il existe par ailleurs dans l’univers d’Alix de très nombreux albums hors-série et de très nombreuses réédition plus ou moins augmentées d’appareils critiques et de documentations diverses, etc.

Cyrille Chaigneau pour Les Vaisseaux de Pierres

Bibliographie, notes et webothèque

Pour citer cet article : Chaigneau C., 2024. « Alix… l’autre héros gaulois de la bande dessinée franco-belge », in : Les Vaisseaux de Pierres. Exploration des imaginaires autour et sur les mégalithes de Carnac et d’ailleurs, mis en ligne le 1er septembre 2024.- https://lesvaisseauxdepierres-carnac.fr/, consulté le : …